Le Testament Des Templiers
dehors, assis sur des chaises pliantes et des caisses de vin. Luc passa quelques minutes avec Girot, le journaliste, avant que celui-ci ne retourne à Paris. Au moment de se séparer, ils échangèrent chaleureusement leurs cartes de visite et Luc s’assura encore que l’article resterait bien sous embargo jusqu’à nouvel ordre.
« Ne vous faites aucun souci, dit Girot. Un accord est un accord. Vous avez été formidable, professeur. Vous pouvez me faire confiance. »
Alon s’approcha de Luc et tira une chaise. Il avait décliné le plat de résistance du cuisinier, des côtelettes d’agneau au romarin avec des pommes de terre sautées, et préféré à la place du pain, du beurre et des fruits. Luc regarda son assiette.
« Je suis désolé, Zvi, notre nourriture ne cadre pas avec vos exigences diététiques ?
– Je ne donne pas dans le casher, répondit-il. Simplement, je n’aime pas la cuisine française. »
Luc s’amusa de sa franchise.
« Alors, et la grotte ?
– Je pense que vous avez découvert un des plus remarquables sites de la préhistoire. Ça va demander toute une vie d’étude. J’aurais seulement souhaité que ma durée de vie soit plus longue. Vous savez, Luc, je ne suis pas quelqu’un d’émotif, mais cette grotte me touche. Je suis ébloui par cet endroit, quel que soit son âge. On appelle Lascaux la chapelle Sixtine du paléolithique. Ruac est plus grandiose. Les artistes d’ici étaient des maîtres. Leurs couleurs sont plus éclatantes, ce qui en dit long sur leurs connaissances des pigments. Les animaux sont encore plus naturels que ceux de Lascaux, d’Altamira, de Font-de-Gaume ou de Chauvet. Leur pratique de la perspective est très avancée. C’étaient les Vinci et les Michel-Ange de leur époque.
– J’ai le même sentiment. Écoutez, Zvi, nous avons l’occasion d’étudier tout ceci correctement et de contribuer peut-être à une avancée considérable sur votre sujet de prédilection, à savoir : pourquoi peignaient-ils ?
– J’ai des convictions très fortes là-dessus.
– C’est pourquoi je vous ai choisi.
– Vous avez fait le bon choix, dit Alon sans la moindre gêne. J’ai été dur avec Lewis-Williams et Clottes à propos de leurs théories chamanistiques, comme vous le savez certainement.
– Ils sont tous les deux venus se plaindre à moi, répondit Luc. Mais ils ont du respect pour vous.
– J’ai toujours pensé qu’ils ont mis beaucoup trop l’accent sur les observations du chamanisme moderne en Afrique et dans le Nouveau Monde. Toute cette théorie selon laquelle une grotte est une membrane entre le monde réel et le monde de l’esprit, le chaman étant une sorte de Timothy Leary avec hallucinogènes et une peau recouverte de pigments – c’est difficile à avaler. Oui, ces gens de Ruac et de Lascaux étaient des Homo sapiens , tout comme nous, mais leurs sociétés étaient dans un état de changement continuel, et non pas statiques comme les cultures de l’âge de pierre. C’est pour cela que je ne peux pas accepter d’extrapolations venant de l’ethnographie moderne. Il n’y avait peut-être pas de différences neurologiques entre nos cerveaux et les leurs, mais, grand Dieu, il y avait des différences culturelles que nous ne parvenons pas à comprendre. Vous savez quelle est ma position, Luc. Je suis de la vieille école, un descendant direct de Laming-Emperaire et de Leroi-Gourhan. Je prétends qu’il faut laisser l’analyse de l’archéologie parler pour elle-même. Regardez les variétés d’animaux, les appariements, les groupes, les associations. Ensuite vous pourrez deviner les histoires mythologiques communes, la signification des clans, et essayer d’y voir clair. Pensez-y, pendant au moins vingt-cinq mille ans, c’est-à-dire un temps considérable, ils ont utilisé un ensemble précis de motifs animaliers : chevaux, bisons, cerfs, taureaux, ainsi qu’un petit nombre de félins ou d’ours. Pas de rennes, qu’ils mangeaient, pas d’oiseaux ni de poissons – bon, d’accord, peut-être un par-ci par-là –, et pas d’arbres ni de plantes, en tout cas pas jusqu’à maintenant. Ils n’ont pas toujours peint ce qu’ils aimaient. Ces motifs ont une raison. Mais… »
Il s’arrêta de parler, enleva ses lunettes et s’essuya les yeux.
« Mais ? demanda Luc.
– Mais Ruac me gêne.
– Comment ça ?
– Je suis devenu davantage un statisticien qu’un archéologue, Luc. Je
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