Le Testament Des Templiers
j’ai connu, pas celui que j’ai vu l’autre soir.
– Ne me jugez pas trop sévèrement, frère. Il n’y a qu’un seul chemin qui mène à la vertu, mais beaucoup de sentiers y convergent. »
Bernard secoua la tête tristement et se mit en route.
Ce soir-là, trois hommes se retrouvèrent dans la maison laissée vide par Bernard. Ils allumèrent quelques chandelles et parlèrent de leur frère qui était parti. Était-il possible, demanda Barthomieu, que Bernard ait raison et eux tort ?
Barthomieu s’exprimait simplement. Jean était plus un guérisseur et un herboriste qu’un érudit ecclésiastique. Il appartenait à Abélard d’encadrer le débat. Ils écoutèrent son élégante dissertation sur le bien et le mal, Dieu contre Satan, et en conclurent que c’était Bernard qui était obtus et aveugle, pas eux.
Leur bon droit étant ainsi avéré, Jean sortit un pichet en terre cuite, ôta le bouchon et versa à chaque participant une pleine chope de thé rougeâtre.
Abélard était seul dans sa chambre.
Une chandelle brûlait sur sa table, donnant juste assez de lumière pour pouvoir écrire sur un parchemin. Pendant la semaine écoulée, il n’avait pu achever sa lettre à sa bien-aimée. Il relut le début :
Ma très chère Héloïse,
J’ai passé nombre de jours et de nuits seul dans mon cloître sans fermer les yeux. Mon amour brûle encore plus fort au milieu de cette indifférence heureuse de ceux qui m’entourent, et mon cœur est transpercé aussi bien par ta tristesse que la mienne. Oh, quelle perte n’ai-je subie quand je considère ta constance ! Quels plaisirs m’ont échappé ! Je ne devrais pas t’avouer cette faiblesse ; je sais que j’ai commis une faute. Si seulement je pouvais me montrer plus résolu, je pourrais provoquer ton ressentiment contre moi, ta colère pourrait provoquer en toi l’effet que la vertu n’a pas pu provoquer. Si, dans ce monde, j’ai proclamé ma faiblesse dans des chants d’amour et des vers, est-ce que, au moins, ces lieux obscurs ne pourraient-ils pas cacher cette même faiblesse sous une apparence de piété ? Hélas, je suis toujours le même !
Il trempa sa plume et commença un nouveau paragraphe.
Quelques jours se sont écoulés depuis que j’ai écrit ces mots. Beaucoup de choses ont changé en peu de temps, mais pas mon amour pour toi qui brûle encore plus intensément. Dieu a choisi de me conférer un cadeau auquel j’ai peine à croire, et pourtant la vérité est manifeste. Oh, bien que je craigne d’écrire ces mots, de peur qu’ils ne perdent leur pouvoir une fois sur la page, je crois, chère Héloïse, que j’ai trouvé le moyen pour que nous puissions à nouveau vivre ensemble comme mari et femme.
16
L e dernier jour de travail dans la grotte de Ruac était arrivé.
Ce soir-là, le dîner fut consacré à célébrer l’événement, bien que l’humeur générale ait été profondément affectée par les deux catastrophes qui avaient endeuillé les fouilles, deux accidents à propos desquels certains n’hésitaient pas à parler de malédiction, de mauvais sort, et d’autres choses du même genre.
Après l’enterrement d’Hugo à Paris, Luc était revenu à Ruac et s’était jeté dans le travail dans un état second, ne dormant que le strict nécessaire. Il était devenu triste et indifférent, ne parlait que lorsqu’on lui adressait la parole, et entretenait avec son équipe des rapports strictement professionnels. La mort d’Hugo avait gommé son charme et son humour habituels, comme les vagues effacent les lettres tracées sur le sable.
La situation empira encore avec l’arrivée inopinée à Ruac de Marc Abenheim, parachuté depuis Paris, et bien décidé à exploiter à fond la tragédie. Le gringalet autoritaire exigea que tout le monde sorte du préfabriqué pour qu’il puisse parler en tête à tête avec Luc. Puis, tel un juge d’instruction, il questionna Luc pour comprendre comment des fouilles avaient pu connaître deux accidents en une saison.
« Que voulez-vous insinuer ? » rétorqua Luc.
Abenheim parlait d’une voix nasale extrêmement agaçante.
« Absence de discipline. Absence de gestion. Absence de bon sens en conviant votre ami à des fouilles officielles du ministère. C’est à cela que je fais allusion. »
Il fallut que Luc se retienne pour ne pas renvoyer Abenheim d’où il venait avec le nez cassé.
Quand l’imbécile prétentieux partit enfin, Luc
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