Le Testament Des Templiers
écrasait les baies entre deux grandes feuilles luisantes avec ses mains et en faisait tomber le jus dans le récipient. Tal ajouta les morceaux de plantes et mélangea le tout avec une pierre de rivière polie. Puis il coupa des touffes d’herbe jaune en petits bouts et en versa une grosse poignée dans la mixture rouge du bol.
Le cataplasme obtenu était épais et collant.
Tal demanda à son frère de se montrer aussi fort que le bison qu’ils avaient tué. Il déversa le mélange dans la blessure ouverte et en remplit complètement le trou béant.
Nago était courageux, mais l’épuisement le gagnait à force de se retenir de crier, et ses paupières se refermèrent.
Tal le veilla cette nuit-là, et la suivante, et la suivante encore.
Jour après jour, il ne quittait le chevet de son frère que pour aller chercher d’autres ingrédients pour que le cataplasme reste frais.
Il faisait ces brefs trajets tout seul, non pas parce que les autres ne voulaient pas l’accompagner, mais parce qu’il aimait bien être seul. Une de ses cousines, une certaine Uboas, aurait bien souhaité aller avec lui, tout comme son petit frère, Gos, qui suivait toujours le mouvement.
Uboas était jolie et courait vite ; Tal savait qu’ils étaient destinés l’un à l’autre, mais il voulait malgré tout rester seul. Voyant qu’Uboas refusait de rentrer au campement, il s’était contenté de la semer, comme elle semait son frère. Quand Tal se fut débarrassé d’elle, il se retourna. Il l’aperçut au loin qui rejoignait l’enfant et le prenait par la main.
Tal était dans la clairière, occupé à couper les plantes grimpantes d’un arbre, quand il les vit.
En fait, il les avait d’abord entendus baragouiner à voix basse. Des mots étranges. Il avait tendu l’oreille sans parvenir à comprendre.
Entre deux arbres à l’orée de la clairière, il en aperçut un, puis deux.
Il avait entendu parler de ce Peuple de l’Ombre, le Peuple de la Nuit, les « Autres » – son clan leur donnait plusieurs noms – mais il ne les avait encore jamais vus. Et cette première rencontre fut brève, l’espace de quelques battements de cœur seulement.
L’un était âgé, comme son propre père, l’autre plus jeune, comme lui. Mais ils étaient plus petits et râblés que son peuple, et leurs barbes étaient plus rouges et plus longues. Le plus jeune avait une pilosité abondante, pas clairsemée comme la sienne. Le plus âgé semblait ne jamais avoir coupé sa barbe avec du silex comme c’était la coutume du clan des bisons. Ils portaient des lances, mais elles étaient épaisses et lourdes, bonnes pour frapper directement, mais inaptes au lancement. Leurs vêtements étaient grossiers et attachés par de la fourrure, de la peau d’ours apparemment, inconfortable par une telle chaleur.
Puis, après lui avoir jeté un regard très bref, une sorte de reconnaissance tacite de la présence de Tal, ils étaient partis.
La dernière nuit de Nago fut agitée.
Il ne faisait aucun doute que le cataplasme de Tal avait servi – la blessure était restée propre et sans odeur, et le flot de sang s’était réduit à un suintement. Mais il avait perdu tellement de sang à la suite du coup de corne qu’aucun remède ni incantation n’aurait pu entraver l’issue fatale.
Au cours de ses dernières heures, son corps enfla et il cessa d’uriner. Des gouttes d’eau qu’on venait de lui déverser dans la bouche avec une feuille pliée coulèrent à l’extérieur. À l’aube, sa respiration se ralentit puis cessa.
Au moment où les femmes commençaient à hurler, le ciel s’ouvrit et répandit une pluie chaude, signe que leurs ancêtres avaient accueilli le fils du chef dans leur royaume.
Leurs feux de camp illuminaient le ciel nocturne, mais ils étaient trop loin pour que le clan des bisons entende leurs chants.
Le père de Tal posa ses mains sur ses épaules et s’adressa à lui devant tout le peuple. Tal serait le prochain chef. Le vieil homme déclara avec lassitude que son temps viendrait bientôt. Une fois le rituel funéraire de Nago accompli, Tal devrait se rendre sur le plus haut point de la terre pour être suffisamment près de leurs ancêtres pour entendre leurs chants.
La pluie continuait à tomber, et le bol en calcaire de sa mère qui contenait le restant du cataplasme ne tarda pas à déborder.
Tal n’avait pas peur de grimper.
Il avait le pied sûr, et bien que les falaises aient
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