Le Testament Des Templiers
c’était une zone de guerre. Ce petit hôpital de cinquante lits seulement avait du mal à résorber la crise.
Après s’être bagarrés pour pouvoir entrer, Luc et Sara finirent par attirer l’attention d’une infirmière pour lui dire que l’une des victimes de l’explosion était leur ami.
« Attendez un instant, mes chéris », leur répondit-elle, et on les laissa poireauter une demi-heure pendant que des gens passaient et repassaient autour d’eux.
Après qu’ils eurent fait plusieurs tentatives infructueuses, un jeune homme poussant un fauteuil roulant vide eut pitié d’eux et leur fit franchir les portes des urgences pour leur permettre de chercher M. Prentice dans les couloirs encombrés de brancards.
C’était un spectacle inouï que de voir cet hôpital sur le point de craquer. Luc suivit Sara qui regardait chaque victime, espérant découvrir le visage de Fred. Elle le trouva après le service de radiologie, le bras et l’épaule immobilisés dans un plâtre impressionnant. Ses deux pieds étaient également plâtrés jusqu’aux mollets. Fred avait un peu plus de quarante ans, des cheveux en V sur le front, un teint couleur de cendre et le strabisme d’un homme qui a égaré ses lunettes.
« Te voilà ! dit-il à Sara.
– Oh, Fred ! Dans quel état tu es ! J’étais tellement inquiète. »
Toujours aussi gentil et attentif, il tint à échanger des présentations en bonne et due forme avec Luc, comme s’ils s’étaient retrouvés autour de sa table de réunion.
« Dieu merci, vous étiez tous les deux en retard, dit-il. Autrement, vous auriez été pris dans cette catastrophe. »
Lui était aux toilettes quand elle avait téléphoné.
Ensuite, il se souvenait d’avoir été évacué sur une civière par une équipe de pompiers, avec une douleur insupportable au pied et à l’épaule. Une piqûre de morphine administrée dans le parking lui avait énormément remonté le moral, leur assura-t-il, et à part l’horrible torture de ne pas savoir ce qu’étaient devenus plusieurs de ses collègues et amis, il se portait dans l’ensemble assez bien.
Sara prit sa main valide et demanda si elle pouvait faire quelque chose pour lui.
Il secoua la tête.
« Vous êtes venus de France pour me voir. Je ne peux pas vous laisser repartir sans vous dire ce que nous avons trouvé.
– Ne faites pas l’idiot, mon vieux ! s’exclama Luc. Vous en avez assez vu. Nous nous parlerons dans quelques jours. Je vous en prie !
– J’avais préparé une présentation PowerPoint pour vous, dit Fred d’un ton mélancolique. Et tout a explosé. Mon ordinateur, mon labo, tout. Je dois me faire une raison. Mais laissez-moi au moins vous parler de nos résultats. Peut-être pourrons-nous les reproduire un jour. Notre avocate était furieuse contre moi parce que j’avais analysé votre échantillon sans remplir les documents et les autorisations idoines. En fait, nous avons obtenu certaines données importantes et personne ne savait exactement à qui en reviendrait la propriété intellectuelle. Elle avait refusé que j’en communique quoi que ce soit par lettre ou par e-mail. C’était un sujet éminemment sensible la semaine dernière. »
Sa voix faiblit.
« On m’a dit qu’elle était morte ce matin – cette avocate. Elle s’appelait Jane.
– Je suis désolée, Fred », dit Sara, en lui serrant la main.
Il demanda à boire de l’eau au moyen de sa paille coudée.
« En tout cas, votre liquide présentait des caractéristiques biologiques vraiment intéressantes. Il illuminait nos écrans comme un arbre de Noël. Par où commencer ? OK, donc, vous saviez qu’il nageait dans des alcaloïdes d’ergot de seigle ?
– Tu veux rire ! » dit Sara.
Devant l’air étonné de Luc, elle expliqua : « Ce sont des composés psycho-actifs. Du LSD à l’état naturel. Comment les ergots entrent-ils là-dedans ? Je t’ai donné la liste des plantes, Fred. »
Et brusquement la réponse lui sauta aux yeux.
« Claviceps purpurea !
– Exactement ! » dit Fred.
Elle dut prendre son temps pour expliquer les choses à Luc.
« C’est un champignon. Il contamine les herbes sauvages et cultivées, comme notre orge sauvage. Le champignon est à l’origine des alcaloïdes contenus dans l’ergot. Au Moyen Âge, des dizaines de milliers d’Européens ont souffert d’ergotisme provenant du seigle contaminé naturellement, ce qui entraînait chez eux des
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