Le tombeau d'Alexandre

exemple, comme vous le savez, on reconnaît la pierre taillée aux rainures laissées par les outils. Aussi une grande quantité de pierre taillée devra-t-elle attirer notre attention. Par ailleurs, il est difficile de creuser dans le désert. Le sable est si fin et sec qu’il se dérobe comme un liquide. Les soldats macédoniens étaient des ingénieurs expérimentés. Peut-être ont-ils bâti un batardeau. Vos photos aériennes nous aideront à en retrouver les éventuels contours. J’ai également fait expédier du matériel de télédétection, un magnétomètre au césium et un avion téléguidé pour effectuer d’autres prises de vue aériennes.
    Le docteur Sayed examinait toujours les photos. Gaëlle le regardait machinalement, lorsqu’elle vit son expression se figer. Il se reprit presque aussitôt, se redressa avec une fausse désinvolture et parcourut les autres photos à la hâte avant de les rendre à Elena.
    — Eh bien, dit-il, je vous souhaite bonne chance.
    A ce moment-là, une paire de phares éclaira les troncs des dattiers et un camion remonta l’allée avant de s’arrêter dans un crissement de freins. Le docteur Sayed se leva.
    — Yusuf m’a laissé entendre que vous auriez besoin de guides, expliqua-t-il. Voici Mustafa et Zayn. Ce sont les meilleurs guides de Siwa. Ils savent tout.
    — Merci, dit Elena. C’est très aimable à vous.
    — Je vous en prie. Nous devons travailler ensemble, n’est-ce pas ?
    Deux hommes ouvrirent les portières et sautèrent du camion. Le docteur Sayed se tourna vers Gaëlle.
    — J’ai tout de suite pensé à Mustafa et Zayn quand Yusuf m’a dit votre nom, confessa-t-il.
    — Pourquoi ?
    — Parce que c’étaient eux qui se trouvaient auprès de votre père quand il est mort, bien sûr.
    L’espace d’une seconde, toute la chaleur de son expression s’effaça. Il regarda Gaëlle avec détachement pour observer sa réaction. Mais il se reprit à nouveau. Tout sourire, il redevint l’hôte parfait, empressé et soucieux du bien-être de ses invitées.
     
    IV
    Knox balaya la pièce de sa torche pour voir ce qui avait fait tressaillir Rick. Le sol était jonché de squelettes. Certains étaient minuscules et la plupart portaient encore des fragments de vêtements, ainsi que des bijoux et des amulettes.
    — Quelle horreur ! s’exclama Rick. Qu’est-ce qui s’est passé ?
    — Souviens-toi du siège, répondit Knox en essayant de paraître plus calme qu’il ne l’était. Les hommes ont combattu, mais les femmes, les enfants et les vieillards sont restés à l’abri. Ce temple souterrain a dû leur sembler idéal, jusqu’à ce qu’on les y enferme après avoir allumé un immense bûcher entre eux et l’unique issue.
    — Quelle mort atroce !
    La scène rappela à Knox un épisode comparable de la vie d’Alexandre. Lors d’une révolte, les Samaritains brûlèrent vif leur gouverneur macédonien. Alexandre détruisit la cité et exécuta tous les rebelles capturés. Quant aux autres, il les pourchassa jusqu’à la grotte dans laquelle ils s’étaient réfugiés. Mais au lieu d’aller les chercher, il alluma un bûcher à l’entrée de la grotte et les asphyxia tous. En 1962, à Wadi el-Daliyeh, à une quinzaine de kilomètres au nord de Jéricho, leur refuge avait été découvert par un Bédouin. Environ deux cents squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants se trouvaient encore à l’intérieur, ainsi que des documents officiels, que de nombreux experts considèrent comme les plus anciens des Manuscrits de la mer Morte. Knox n’avait jamais vraiment prêté attention à cet événement, qui n’était pour lui qu’un détail de l’histoire d’Alexandre. Mais, confronté à toutes ces vies brutalement interrompues, il comprit que ce n’était pas un détail sans importance et éprouva de la tristesse et de la compassion pour ceux qui avaient tenté de compromettre le rayonnement glorieux d’Alexandre.
    Rick rappela Knox à la réalité.
    — Ce n’est pas le moment de rêvasser. Il ne nous reste que dix minutes.
    Knox arracha son regard aux cadavres blottis les uns contre les autres et observa le reste de la pièce. C’était un temple grec classique, avec des colonnes ioniques enchâssées dans les murs extérieurs et à l’entrée du pronaos et du naos. Une passerelle en bois avait été disposée sur des blocs de béton pour permettre aux fouilleurs de se déplacer facilement dans le temple. Knox s’y