Le tombeau d'Alexandre
émerger à côté de lui. C’était l’homme que Nicolas voulait tuer.
— Où est la clé ? demanda-t-il.
— Le Grec abattu, répondit Mohammed en haletant. Sur sa ceinture.
L’homme replongea et disparut.
Il restait si peu d’air... Mohammed commençait déjà à se sentir mal. Il s’appuya la joue contre le toit en métal et s’efforça de rester calme. Une éternité sembla s’écouler. L’air devint fétide. Mohammed fut pris d’un étourdissement. Une migraine l’assaillit entre les yeux. Il pria pour Leila, pour qu’elle s’en sorte, d’une façon ou d’une autre, pour qu’elle soit heureuse une fois qu’elle aurait surmonté cette horrible maladie, pour que plus rien ne puisse l’arrêter. Tous les pères étaient fiers de leur fille, mais qui, parmi eux, avait eu une telle cause ?
La cabine s’inclina brusquement. Mohammed émit un petit cri de terreur, tandis que d’autres bulles d’air s’échappaient. L’inconvénient de l’espoir, c’était qu’il s’accompagnait toujours d’une grande peur. Mohammed dut tirer au maximum sur ses menottes pour atteindre le peu d’air nauséabond qu’il lui restait. Il respirait de plus en plus vite pour en extraire l’oxygène devenu rare. La cabine bascula et se renversa implacablement sur le côté. Le stock d’air disparut en fines bulles. Mohammed ferma la bouche le plus longtemps possible, mais ses poumons l’obligèrent à la rouvrir. L’eau s’engouffra. Il s’étouffa et absorba encore une grande quantité d’eau. Puis il fut pris dans un tourbillon de couleurs, de motifs, de sensations et d’arômes aléatoires mais réconfortants, réchauffé par l’amour de Nur et de Leila, et une lumière blanche éclatante étincela.
III
Nicolas était en tête du convoi lorsque les véhicules atteignirent la route menant à la côte. Il sortit son portable, de nouveau connecté au réseau, et téléphona à la villa d’Ibrahim. La ligne était en dérangement. Il appela Manolis sur son portable, puis Sofronio. Pas de réponse. L’anxiété lui noua l’estomac. Il se tourna vers Vasilieos.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Je ne sais pas.
Nicolas se retourna. Le camion de transport était juste derrière eux. Alourdi par son précieux chargement, il ne dépassait pas quatre-vingts kilomètres à l’heure. A cette vitesse, il leur faudrait dix heures pour atteindre Alexandrie. Dix heures ! Tout pouvait arriver en dix heures, d’autant que Knox courait toujours. Et dire que Nicolas avait cru que tout irait comme sur des roulettes ! Il regarda son portable et s’apprêtait à rappeler Ibrahim et ses hommes lorsque le signal disparut. À en juger par ce qui s’était passé à l’aller, il ne capterait plus rien avant d’arriver à Marsa Matrouh, le long de la côte.
Il n’y avait plus qu’à attendre.
IV
Des traînées de bulles d’air et des gaz en provenance du fond pétillèrent à la surface du lac. Des nappes d’huile, des algues et des détritus s’entrechoquèrent en créant des cercles concentriques. Knox nagea vers le bas. Le camion s’était enfoncé davantage que la pelleteuse. L’eau, généralement si transparente, était trouble. Knox dut s’orienter au jugé. Ses poumons étaient presque vides lorsqu’il toucha quelque chose de métallique. Il remonta à la surface pour respirer, puis replongea et s’introduisit dans la cabine du camion par une vitre ouverte. A l’aveuglette, il finit par trouver un corps. C’était Rick. Il éprouva de nouveau un écœurement irrépressible. Après avoir écarté celui de son ami, il sentit un deuxième corps. De longs cheveux. C’était une femme. Elena. Puis il attrapa un pied, remonta le long de la jambe, jusqu’à la ceinture. Il fouilla et trouva un porte-clés. Il s’en empara et le tint fermement dans son poing fermé en sortant de la cabine. Il remonta à la surface, respira profondément et nagea jusqu’à ce qu’il estime être au-dessus de la pelleteuse. Il remplit ses poumons d’air et replongea. Ses yeux le brûlaient. La pelleteuse avait basculé sur le côté. Il entra par la vitre cassée. Tout l’air s’était échappé. Mohammed était effondré, sans vie. Dans sa hâte, Knox lâcha les clés. Le temps qu’il les retrouve et les ramasse, ses poumons s’étaient déjà beaucoup vidés et son cerveau réclamait de l’oxygène. Il prit le poignet de Mohammed. La première clé n’entra pas dans la serrure.
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