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Le tombeau d'Alexandre

Le tombeau d'Alexandre

Titel: Le tombeau d'Alexandre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Will Adams
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étranges et plus complexes que la science essayait de le faire croire. On comprenait, comme Nicolas, la notion de mystère.
    Nicolas balaya les bancs du regard. Les fidèles à l’œil hagard. Vieux avant l’heure, ils menaient une vie condensée. Ils commençaient à travailler à quatorze ans, devenaient parents à seize, grands-parents à trente-cinq et dépassaient rarement la cinquantaine. Mal rasés, les traits tirés par la fatigue, le regard amer, les hommes avaient la peau cuite et brunie par le soleil, les mains calleuses à force de lutter continuellement contre la faim. Leur pauvreté et les impôts dissuasifs qu’ils payaient sur le peu qu’ils gagnaient leur inspiraient de la colère. Et la colère avait du bon. Elle les rendait réceptifs aux idées extrémistes.
    Le prêtre se redressa, laissa retomber ses épaules et reprit sa lecture.
    —  Les quatre cornes qui se sont élevées pour remplacer cette corne brisée, ce sont quatre royaumes qui s’élèveront de cette nation, mais qui n’auront pas autant de force.
    Il scruta l’assemblée avec le regard presque hystérique d’un fou ou d’un prophète. Nicolas l’avait bien choisi.
    —  Cette corne brisée, répéta le prêtre, cette métaphore fait référence à la mort d’Alexandre. Ce sont quatre royaumes qui s’élèveront de cette nation. Ici, Daniel annonce le morcellement de l’Empire macédonien. Comme vous le savez, celui-ci a été divisé en quatre parties par les successeurs d’Alexandre : Ptolémée, Antigone, Cassandre et Séleucos. Et souvenez-vous, cette prophétie a été faite près de trois cents ans plus tôt.
    L’agitation et la colère ne suffisaient pas, songeait Nicolas. La pauvreté entraînait toujours l’agitation et la colère, mais pas nécessairement la révolution. Ces sentiments régnaient en Macédoine depuis deux millénaires. Le peuple avait été opprimé par les Romains, les Byzantins puis les Ottomans. Et à chaque fois qu’il s’était battu pour se libérer d’un joug, il s’en était fait imposer un autre. Il y avait de cela une centaine d’années, l’avenir avait enfin semblé lui sourire. L’insurrection d’Ilinden, en 1903, avait été brutalement réprimée. Mais en 1912, cent mille Macédoniens avaient combattu aux côtés des Grecs, des Bulgares et des Serbes pour chasser les Turcs. Cette date aurait dû marquer la naissance de l’Etat indépendant de Macédoine. Mais ils avaient été trahis. Leurs anciens alliés s’étaient retournés contre eux et les prétendues grandes puissances avaient collaboré à cette infamie. Le maudit traité de Bucarest avait morcelé la Macédoine en trois parties. La Macédoine égéenne avait été attribuée à la Grèce, la Macédoine du Vardar à la Serbie et la Macédoine du Pirin à la Bulgarie.
    —  De l’une d’elles sortit une petite corne, qui s’agrandit beaucoup vers le midi, vers l’orient, et vers le plus beau des pays. Cette petite corne représente Démétrios. Pour ceux d’entre vous qui ne s’en souviendraient pas, Démétrios était le fils d’Antigone et s’était lui-même proclamé roi de Macédoine, bien qu’il ne fût pas de la lignée d’Alexandre.
    Le traité de Bucarest ! Rien que d’y penser, Nicolas était au supplice. Depuis près d’un siècle, les frontières que ce traité avait définies n’avaient guère changé. Et les Grecs, les Serbes et les Bulgares avaient tout fait pour éradiquer l’histoire, la langue et la culture de la Macédoine. Ils avaient mis fin à la liberté de parole et emprisonné toute personne ayant le moindre geste de défi. Ils s’étaient approprié les terres des agriculteurs macédoniens pour y établir des étrangers. Ils avaient rasé les villages, orchestré des massacres et des viols, fait des Macédoniens leurs esclaves pour les exploiter jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ils avaient pratiqué la purification ethnique à grande échelle et la communauté internationale n’avait pas levé le petit doigt. Mais ils avaient échoué. Le sentiment d’identité nationale était encore vivace. La langue, la culture et la religion macédoniennes avaient survécu dans les salles paroissiales, dans les congrégations de toute la région, grâce aux sacrifices glorieux que les fidèles avaient faits et feraient encore pour le bien de tous. Un jour, ce cher pays serait enfin libre.
    —  Elle s’éleva jusqu’à l’armée des cieux, elle fit tomber à terre

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