Le tombeau d'Alexandre
n’avait plus du tout l’air fanfaron. Il semblait pensif, même inquiet. Il fit signe à ses hommes, immédiatement sur le qui-vive. Il se pencha un peu pour parler à travers la vitre ouverte de la jeep, en tapant le dos du passeport de Knox contre les articulations de sa main gauche.
— Une rumeur incroyable se répand dans le pays comme une traînée de poudre.
Knox sentit son estomac se nouer.
— À quel sujet ?
— Au sujet d’Hassan al-Assyuti et d’un jeune étranger.
— Je n’en ai pas entendu parler.
— Tant mieux, répondit l’officier en regardant la route de Charm, comme s’il s’attendait à voir un véhicule apparaître d’un instant à l’autre. Car si cette rumeur est fondée, le jeune étranger en question est en mauvaise posture.
Knox avala sa salive.
— Il violait une fille, lança-t-il. Qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ?
— Contacter les autorités.
— Mais on était en pleine mer !
— Je suis sûr que vous aurez l’opportunité de donner votre version des faits.
— Je serai mort dans moins d’une heure. Voilà ce qui se passera.
L’officier rougit.
— Vous auriez dû y penser avant, vous ne croyez pas ?
— J’aurais dû couvrir mes arrières, c’est ça ? Comme vous le faites en ce moment ?
— Ce n’est pas mon problème.
Knox hocha la tête.
— Dans mon pays, certaines personnes pensent que tous les Égyptiens sont des lâches et des truands. Je leur dis toujours qu’elles se trompent, que les Égyptiens sont honnêtes et courageux. Mais peut-être que c’est moi qui me trompe.
Un murmure de mécontentement s’éleva parmi les soldats et l’un d’eux passa la main par la vitre ouverte. L’officier le retint au dernier moment en lui serrant le poignet.
— Non, dit-il.
— Mais il...
— Non.
Le soldat recula, un peu honteux, et l’officier regarda Knox d’un air songeur, ne sachant visiblement pas quoi faire. Des phares illuminèrent la colline derrière eux.
— S’il vous plaît, supplia Knox. Laissez-moi une chance.
L’officier avait lui aussi remarqué les phares qui s’approchaient. Il serra les dents, jeta le passeport sur le siège passager et fit signe à ses hommes de s’écarter.
— Quittez le pays. Vous n’êtes plus en sécurité ici.
— Je pars dès ce soir, affirma Knox soulagé.
— Bien, alors disparaissez avant que je change d’avis.
Knox passa la première et accéléra. Ses mains s’agitaient sur le volant. Tout son corps était envahi par l’euphorie de la fuite. Il se retint jusqu’à ce qu’il ait pris un peu de distance et poussa un cri de joie en levant les bras au ciel. Il avait commis un acte stupide et irresponsable, mais il allait s’en tirer.
III
Nessim, le chef de la sécurité d’al-Assyuti, entra dans le motel de Knox, à Charm, et trouva le gardien endormi à la réception. L’homme d’âge moyen, qui ronflait bruyamment, se réveilla en sursaut lorsque le visiteur fit claquer le portillon en bois.
— Knox, annonça Nessim. Je cherche Daniel Knox.
— Il n’est pas là, répondit le gardien en respirant difficilement.
— Je sais qu’il n’est pas là. Je veux voir sa chambre.
— Mais c’est sa chambre ! Je ne peux pas vous la montrer.
Nessim chercha son portefeuille dans la poche intérieure de sa veste de façon à ce que le gardien voie l’étui de revolver qu’il portait sous l’aisselle. Il sortit deux livres égyptiennes et les posa sur le comptoir.
— Ça, c’est quand je demande gentiment, précisa-t-il.
Le gardien se mordit les lèvres.
— Juste une fois, alors.
Nessim suivit l’homme corpulent en haut de l’escalier. Il ruminait encore ce qui s’était passé sur le bateau, l’humiliation de s’être fait avoir par un petit plongeur étranger. Au début, il avait pensé que Knox serait facile à retrouver, mais ce n’était pas aussi simple. Il avait appris par un de ses contacts dans l’armée qu’il avait réussi à franchir un poste de contrôle. Cette nouvelle l’avait mis dans une colère noire. Avec quelle facilité Knox s’en était sorti ! Mais il ne s’en tirerait pas comme ça. Il fallait être fou pour provoquer l’armée en Égypte. Nessim serait plus malin que lui.
Le gardien ouvrit la porte de la chambre de Knox en regardant nerveusement autour de lui de peur que d’autres clients ne s’aperçoivent de ce qui se passait. Nessim entra. Il n’avait pas plus d’une nuit
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