Le tombeau d'Alexandre
croisa le regard d’Ibrahim et laissa sa phrase en suspens.
— C’est vrai, mais vous avez une meilleure idée ?
— Non, monsieur.
La première fois que Nicolas Dragoumis l’avait contacté, Ibrahim avait été ravi. Les sponsors étaient toujours les bienvenus. Pourtant, quelque chose dans les manières de cet homme lui avait déplu. Après avoir raccroché le téléphone, il s’était immédiatement rendu sur le site web du groupe Dragoumis, qui comportait de nombreux liens vers ses filiales dans les secteurs du transport maritime, de l’assurance, de la construction, des médias, de l’import-export, de l’électronique, de l’aérospatiale, de l’immobilier, du tourisme, de la sécurité et plus encore. Il avait trouvé une rubrique sur le mécénat expliquant que le groupe Dragoumis ne soutenait que les projets susceptibles de démontrer la grandeur historique de la Macédoine et de contribuer à restaurer l’indépendance de la Macédoine égéenne en la libérant du joug grec. Il ne suivait pas vraiment l’actualité politique de la Grèce, mais il en savait assez pour éviter toute relation avec des séparatistes macédoniens.
Sur le site web, il avait trouvé une photo de groupe des cadres. Nicolas Dragoumis était grand, sec, bel homme et élégant. Mais c’était l’homme situé au milieu, au premier plan, qui avait troublé Ibrahim : Philippe Dragoumis, fondateur du groupe et directeur général, teint basané, légèrement barbu, avec une grande tache de vin au-dessus de la pommette gauche, une expression redoutable et un regard incroyablement pénétrant, même sur une photo. Un homme dont on n’avait pas envie de croiser le chemin. Mais Ibrahim n’avait pas le choix. Son cœur se mit à battre plus vite, comme s’il se trouvait au bord d’une falaise.
— Bien. Pouvez-vous me trouver son numéro de téléphone, s’il vous plaît ?
III
Knox échoua le hors-bord près de sa jeep et regagna le rivage à pied. Fiona s’était ressaisie et voulait retourner à son hôtel. D’après sa façon d’éviter le regard de Knox, elle semblait avoir compris que la colère d’Hassan s’abattrait sur lui, non sur elle, et qu’elle avait donc tout intérêt à s’éloigner de lui. Pas si bête, finalement. Knox démarra brusquement sa jeep. Il était content de ne pas avoir à s’occuper d’elle, mais furieux quand même. Son passeport, son argent liquide et sa carte bancaire étaient dans sa ceinture portefeuille. Son ordinateur portable, ses vêtements et toutes ses recherches se trouvaient dans sa chambre d’hôtel, mais il n’osa pas retourner les chercher.
Une fois sur la route principale, il dut prendre sa première décision importante. Il avait le choix entre le nord-est, en direction de la frontière israélienne, et la côte ouest, qui menait au territoire principal de l’Égypte. Israël était une destination plus sûre, mais la route était en mauvais état et le trafic, ralenti par les postes de contrôle de l’armée. L’ouest, alors. Il était arrivé en Égypte par bateau, à Port-Saïd, neuf ans auparavant. Il aurait également pu repartir de là, mais Port-Saïd se trouvait sur le canal de Suez. Et le Suez appartenait à Hassan. Non, il devait quitter le Sinaï. Il fallait qu’il gagne un aéroport international. Le Caire, Alexandrie, Louxor.
Il coinça son téléphone portable contre son oreille tout en conduisant pour dire à Rick et à ses autres amis de faire attention à Hassan. Puis il l’éteignit, de peur qu’on ne le suive à la trace. Il poussa sa vieille jeep au maximum de ce qu’elle pouvait donner. Des feux de pétrole bleus scintillaient comme les enfers sur le golfe de Suez, comme la rage dans ses yeux. Il roulait depuis moins d’une heure lorsqu’il aperçut un poste de contrôle, quelques blocs de béton entre deux cabanes en bois. Il résista à l’envie de faire demi-tour. Les postes de contrôle étaient nombreux dans le Sinaï ; il n’y avait pas de quoi s’alarmer. On lui fit signe de s’arrêter sur le bas-côté. Lorsqu’il quitta la route, il fut d’abord secoué par les cahots, puis sentit le sable doux sous ses roues. Un officier s’approcha d’un air bravache. C’était un homme petit, trapu, avec un regard arrogant sous des paupières tombantes ; le genre à harceler les plus faibles jusqu’à ce qu’ils craquent et réagissent pour pouvoir les tabasser en faisant mine de ne pas les avoir provoqués.
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