Le tombeau d'Alexandre
Et il me dit : deux mille trois cents soirs et matins ; puis le sanctuaire sera purifié, scanda le prêtre. Deux mille trois cents jours ! Mais ce n’est pas ce que dit le texte original. Le texte en hébreu précise « soirs et matins de sacrifices ». Or, ces sacrifices avaient lieu une fois par an. Deux mille trois cents soirs et matins ne signifie pas deux mille trois cents jours ! Cela signifie deux mille trois cents ans ! Et quelqu’un peut-il me dire à quelle année correspondent deux mille trois cents ans après le péché de Démétrios ? Personne ? Alors je vais vous le dire. À l’année deux mille sept. C’est cette année. Aujourd’hui ! Maintenant ! Notre temps est venu. Le temps où notre sanctuaire va être purifié. Oui ! Il est dit ici, dans la Bible, que l’armée macédonienne va se soulever. Et souvenez-vous, tout ceci a été prédit par Daniel, six cents ans avant la naissance du Christ.
Il montra sa bible à l’assistance.
— C’est écrit, mes frères. C’est écrit ! Notre temps est venu. Votre temps. Vous êtes les élus. Ceux que Dieu a choisis pour accomplir Sa volonté. Et qui parmi vous oserait s’opposer à cette volonté ? La volonté de notre Seigneur ?
Nicolas regarda avec satisfaction les fidèles se tourner l’un vers l’autre dans un murmure de stupéfaction. Leur temps était venu, songea-t-il, c’était vrai. Et ce n’était pas un hasard. Son père y travaillait depuis quarante ans et lui, depuis quinze ans. Ils avaient des agents dans chaque ville, chaque village, chaque hameau. Ils avaient caché des armes et de la nourriture dans les montagnes ; recruté des vétérans des guerres de Yougoslavie afin que ceux-ci entraînent les hommes à la guérilla en les familiarisant avec l’artillerie. Ils avaient des agents dormants au sein du gouvernement et dans les collectivités locales, des espions dans les services armés, des amis dans la communauté internationale et parmi les membres de la diaspora macédonienne. Et la guerre de propagande battait son plein. Le groupe Dragoumis farcissait ses chaînes de télévision et ses stations de radio d’émissions destinées à attiser la ferveur macédonienne. Ses journaux étaient remplis d’anecdotes illustrant l’héroïsme et le sacrifice des Macédoniens, ainsi que l’opulence et la cruauté de leurs suzerains athéniens. Et ça marchait. La colère et la haine grandissaient dans toute la Grèce du Nord, même parmi ceux qui ne défendaient pas la cause séparatiste. Les émeutes et les agressions ethniques se multipliaient. Tous les ingrédients d’un séisme imminent étaient réunis. Mais ils n’en étaient pas encore là. Même si Nicolas piaffait d’impatience, ils n’étaient pas tout à fait prêts. Pour faire la révolution, les hommes devaient être galvanisés au point de vouloir le martyre. Si on sortait les armes dès maintenant, le soulèvement serait prometteur mais vite compromis. La réaction serait rapide : déploiement de l’armée dans les rues, menaces, fouille en règle des entreprises, arrestations arbitraires et passages à tabac, contre-propagande. La cause séparatiste perdrait du terrain et serait peut-être même étouffée de manière irréversible. Non, il manquait encore quelque chose. Quelque chose de vraiment spécial. Un symbole. Un symbole pour lequel le peuple macédonien serait prêt à se battre jusqu’à la mort. Et cet appel téléphonique en provenance d’Égypte était peut-être la clé.
II
L’officier de l’armée égyptienne était encore au téléphone. Il semblait discuter depuis des heures. Il sortit avec un bloc et un stylo, et s’accroupit pour noter le numéro d’immatriculation de la jeep de Knox. Puis il retourna à l’intérieur et communiqua l’information à son mystérieux interlocuteur.
La clé de la jeep était sur le contact. Knox envisagea de forcer le passage. De toute façon, si Hassan le retrouvait, il était fichu. D’un autre côté, les soldats égyptiens paraissaient détendus et il savait que leur humeur changerait en un clin d’œil s’il fuyait. Le risque de se trouver en présence d’un kamikaze était trop élevé pour qu’ils hésitent un seul instant. Il serait abattu avant d’avoir parcouru cent mètres. Alors il s’efforça de se décontracter, d’accepter de ne pas être maître de son sort.
L’officier raccrocha calmement, se donna une contenance et revint auprès de Knox. Il
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