Le tombeau d'Alexandre
bénéficié. Après avoir pris le contrôle de l’Égypte, il avait fondé la dynastie ptolémaïque, qui avait régné avec une autorité décroissante pendant près de trois siècles jusqu’à ce que Cléopâtre joue sa fortune avec Jules César, puis avec Marc Antoine, et perde à deux reprises. La domination romaine et byzantine avait duré jusqu’à la conquête arabe de 641 après Jésus-Christ. La capitale administrative avait été transférée au sud, à Fustat d’abord, puis au Caire. Le commerce avec l’Europe avait diminué et il était devenu inutile d’avoir un port méditerranéen. Le delta du Nil s’était ensablé ; les canaux d’eau douce étaient tombés en désuétude. Alexandrie avait inexorablement poursuivi son déclin après la conquête turque et, lorsque Napoléon avait débarqué, à la fin du XVIII e siècle, elle ne comptait plus que six mille habitants. Mais elle avait su rebondir et, aujourd’hui, environ quatre millions de personnes étaient entassées dans des immeubles qui rendaient les fouilles systématiques de la vieille ville impossibles. Par conséquent, les archéologues comme Ibrahim étaient totalement à la merci des promoteurs, qui continuaient à démolir les anciens bâtiments pour en construire de nouveaux. Et à chaque démolition, les chances de trouver quelque chose d’extraordinaire étaient infimes.
— Il a décrit un site en détail, reprit Ibrahim. Une avant-cour et une porte à clous en bronze ouvrant sur une antichambre et une salle principale. Qu’est-ce que cela vous évoque ?
— Une tombe ? risqua Maha. Ptolémaïque ?
— Le début de l’époque ptolémaïque. Le tout début.
Ibrahim respira profondément.
— En réalité, ajouta-t-il, on dirait la tombe d’un roi macédonien.
Maha se leva, les doigts en éventail sur son bureau.
— Vous ne pensez quand même pas à... Je croyais qu’Alexandre avait été enterré dans un grand mausolée.
Ibrahim garda le silence pendant quelques secondes, gagné par l’excitation de Maha. Il ne savait pas s’il devait la décevoir ou prendre le risque de lui confier ses espoirs les plus fous. Il préféra la première option.
— Oui, vous avez raison. C’était le Sema, ce qui signifie « tombe » en grec. Ou peut-être Sôma, c’est-à-dire « corps ».
— Oh... Ce n’est pas Alexandre, alors ?
— Non.
— Mais de quoi s’agit-il ?
Ibrahim haussa les épaules.
— Il va falloir faire des fouilles pour le savoir.
— Comment ? Je croyais qu’on n’avait plus d’argent.
C’était bien le problème. Ibrahim avait déjà affecté l’ensemble du budget dont il disposait. Il avait demandé aux Français et aux Américains le maximum de ce qu’ils pouvaient donner. Tout se passait comme ça, ici, précisément parce que les fouilles n’étaient pas systématiques. Si trop de sites intéressants étaient découverts au cours du même exercice budgétaire, il ne pouvait tout simplement pas les prendre en charge. Il fallait trier. Or, tous les archéologues de terrain travaillaient déjà directement ou indirectement sur de multiples projets dans la vieille ville. Pour fouiller ce nouveau site, il faudrait donc davantage de crédits, de spécialistes et de personnel. Ibrahim ne pouvait pas le mettre en attente jusqu’au prochain exercice. La cage d’escalier se trouvait au beau milieu du futur parking d’un hôtel. Mohammed pourrait s’accommoder de quelques semaines de fouilles mais, au-delà, tout son calendrier serait chamboulé. C’était très ennuyeux. La mise au jour de l’ancienne Alexandrie dépendait presque entièrement de la volonté des promoteurs immobiliers et des entrepreneurs à faire part de leurs découvertes. S’il devenait difficile de travailler avec le directeur d’Alexandrie, ceux-ci cesseraient tout simplement d’informer le CSA, quelles que soient leurs obligations légales. D’un certain côté, ce nouveau site était un véritable casse-tête dont Ibrahim se serait bien passé. Mais c’était aussi une tombe du début de l’époque macédonienne, peut-être une découverte capitale, qu’on ne pouvait pas laisser passer, vraiment pas.
Ibrahim avait la bouche sèche et avala sa salive avant de parler.
— Cet homme d’affaires grec qui nous propose sans cesse de nous sponsoriser...
— Vous ne pensez tout de même pas à Nicolas Dragoumis ?
— Si, justement.
— Mais vous disiez que c’était un...
Maha
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