Le tombeau d'Alexandre

une partie de cette armée et des étoiles, et elle les foula. Elle s’éleva jusqu’au chef de l’armée, lui enleva le sacrifice perpétuel, et renversa le lieu de son sanctuaire. Ce sanctuaire, c’est ici. C’est la Macédoine. La terre où vous êtes nés. C’est Démétrios qui a provoqué le chaos dans lequel la Macédoine a sombré. Démétrios. En 293 avant Jésus-Christ. Retenez cette date. Retenez-la bien. 293 avant Jésus-Christ.
    Nicolas sentit son portable vibrer dans sa poche. Seul son père et Katerina avaient ce numéro et Katerina avait reçu la consigne stricte de n’appeler qu’en cas d’urgence. Il se leva discrètement et longea les bancs jusqu’à la porte du fond.
    — Oui ? demanda-t-il.
    — Ibrahim Beyumi est en ligne, dit Katerina.
    — Qui ?
    — Vous savez, l’archéologue d’Alexandrie. Il ne veut pas vous déranger, mais il dit qu’il a trouvé quelque chose et qu’il a besoin d’une réponse immédiatement.
    — Passez-le-moi.
    — Bien, monsieur.
    Katerina transféra l’appel et une autre voix parvint à l’oreille de Nicolas.
    — Monsieur Dragoumis. Ici Ibrahim Beyumi. Du Conseil suprême des...
    — Je sais qui vous êtes. Qu’est-ce que vous voulez ?
    — Vous avez eu la générosité de nous proposer votre soutien dans certains...
    — Vous avez trouvé quelque chose ?
    — Une nécropole. Une tombe. Une tombe macédonienne.
    Ibrahim respira profondément.
    — D’après la description qu’on m’en a faite, ajouta-t-il, elle ressemble à la nécropole royale d’Aigai.
    Nicolas serra son téléphone entre ses doigts et tourna le dos à l’église.
    — Vous avez trouvé une tombe royale macédonienne ?
    — Non, s’empressa de répondre Ibrahim. Tout ce que j’ai pour le moment, c’est une description fournie par un entrepreneur. Je ne saurai ce dont il s’agit vraiment que lorsque je me serai rendu sur place.
    — Quand allez-vous le faire ?
    — Dès demain matin. Du moins, si j’obtiens un financement.
    Dans l’église, le prêtre continuait son prêche.
    —  J’entendis parler un saint   ; et un autre saint dit à celui qui parlait   : pendant combien de temps s’accomplira la vision sur le sacrifice perpétuel et sur le péché dévastateur   ? Jusques à quand le sanctuaire et l’armée seront-ils foulés   ? Pendant combien de temps la Macédoine et les Macédoniens devront-ils être foulés aux pieds ? Pendant combien de temps devrons-nous payer le prix du péché de Démétrios ? N’oubliez pas que ce texte a été écrit trois cents ans avant le péché de Démétrios, qui a eu lieu en 293 avant Jésus-Christ !
    Nicolas posa la main sur son oreille pour mieux se concentrer.
    — Il vous faut un financement avant de vous rendre sur les lieux ? demanda-t-il avec un ricanement sardonique.
    — La situation est un peu particulière, expliqua Ibrahim. L’homme qui m’a fait part de cette découverte a une fille très malade. Il ne parlera que si on le paie.
    — Ah ! L’inévitable bakchich ! Combien ? Pour le tout.
    — En termes financiers ?
    Agacé, Nicolas serra les poings. Quel guignol   !
    — Oui, répondit-il avec une patience exagérée, en termes financiers.
    — Cela dépend de la grandeur du site, du temps dont nous disposons, du genre d’artefacts...
    — En dollars américains. Mille, dix mille, cent mille ?
    — Oh, en général, il faut compter six à sept mille dollars américains par semaine pour une fouille urgente comme celle-ci.
    — Combien de temps ?
    — Cela dépend de...
    — Une semaine ? Cinq ? Dix ?
    — Deux. Trois, idéalement.
    — Bien. Vous connaissez Elena Koloktronis ?
    — L’archéologue ? Nous nous sommes croisés une fois ou deux. Pourquoi ?
    — Elle travaille sur un site dans le Delta. Katerina vous donnera ses coordonnées. Dites-lui de vous rejoindre demain. Si elle confirme qu’il s’agit d’une importante tombe macédonienne, le groupe Dragoumis financera cette fouille à hauteur de vingt mille dollars. Je pense que cela couvrira vos frais, y compris ceux d’autres enfants malades susceptibles de faire irruption.
    — Merci. C’est très généreux de votre part.
    — Katerina vous précisera nos conditions.
    — Vos conditions ?
    — Vous ne pensiez tout de même pas que nous allions débloquer une telle somme sans conditions.
    — Mais...
    — Voyez cela avec Katerina, insista Nicolas.
    Et il ferma son portable.
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