Le tombeau d'Alexandre
honte et regarda autour d’elle de peur que quelqu’un ne l’ait observée. Elle venait de comprendre qu’elle avait fait une erreur de débutante. En grec, Alexandre se disait Alexandros. Elle se rassit et utilisa les lettres de ce nom pour commencer à transposer l’alphabet. Elle connaissait désormais suffisamment de caractères pour déduire le mot suivant : Macédoine. Après avoir décrypté la moitié de l’alphabet, elle déchiffra rapidement le reste. Le grec n’avait aucun secret pour elle. Elle s’absorba dans sa tâche et perdit la notion du temps.
Soudain, elle entendit quelqu’un l’appeler. Ibrahim, Nicolas, Mansoor et Elena, en demi-cercle autour d’elle, la regardaient comme s’ils lui avaient posé une question et attendaient une réponse. Ibrahim soupira.
— J’expliquais à Nicolas à quel point il est difficile de déchiffrer le démotique, dit-il. Mais nous ne voulons pas attirer l’attention sur ce projet et souhaitons vivement que vous fassiez cette traduction vous-même. À votre avis, combien de temps vous faudra-t-il ? Un jour ? Deux jours ? Une semaine ?
Pour Gaëlle, ce moment deviendrait le plus gratifiant de toute sa carrière.
— En fait, répondit-elle d’un ton désinvolte, j’ai déjà fini.
Chapitre 20
I
Dans sa chambre d’hôtel, Nessim donnait de nouvelles directives à Hosni, Ratib et Sami. Ils n’avaient pas beaucoup d’entrain. Knox avait disparu et rien de ce qu’ils avaient essayé n’avait permis de le retrouver.
C’était la fin de l’après-midi lorsque la sonnerie du téléphone retentit. C’était Badr, le contact de Nessim dans les télécommunications, qui avait attendu en vain que Knox utilise son portable.
— Ça y est, il l’a allumé ! s’écria-t-il.
— Qui appelle-t-il ? demanda Nessim.
— Personne. Il envoie des photos à une adresse de messagerie électronique.
— Où est-il ?
— Près de la gare.
— Restez en ligne. S’il bouge, tenez-moi au courant.
Hosni, Ratib et Sami étaient déjà débout.
— Nous avons retrouvé sa trace, annonça Nessim. Allons-y !
II
— Eh bien ? dit Ibrahim. Ne faites pas durer le suspens.
Gaëlle se racla la gorge et se mit à lire à voix haute.
— Moi, Kalonymos, fils d’Hermias,frère d’Akylos, bâtisseur, scribe, architecte, sculpteur, adepte de la connaissance, grand voyageur, je vous rends hommage, Grands Dieux, pour m’avoir permis de porter sous terre, ici même, ces trente-deux porte-bouclier, héros du Grand Vainqueur, Alexandre de Macédoine, fils dAmon. J’ai tenu ma promesse de réunir dans le même lieu les trente-trois hommes tués pour avoir accompli la dernière volonté d’Alexandre, celle d’être enterré là où il pût voir la terre de son père. Car pour respecter sa volonté, Akylos et ces trente-deux hommes ont bâti une tombe remplie de richesses propre à accueillir le fils d’Amon.
Jusque-là, Gaëlle n’avait pas pleinement saisi le sens du texte. Son esprit était trop occupé à traduire. Mais à cet instant, elle comprit l’importance de ce qu’elle venait de lire. Elle leva les yeux et vit sur le visage de ses compagnons l’excitation qu’elle éprouvait elle aussi.
— Continuez, ordonna Elena.
— Et pour respecter sa volonté, ils ont retiré sa dépouille du Mur Blanc et l’ont transportée sur la terre rouge et aride jusqu’à l’entrée souterraine des lieux qu’ils lui avaient préparés. Mais, près de cet endroit, Ptolémée, qu’on appelle le Sauveur, a tendu un piège à ces hommes, qui ont renoncé à la vie plutôt que d’être soumis à sa torture. Alors Ptolémée les a crucifiés pour se venger et les a abandonnés aux charognards. Akylos et ses trente-deux compagnons ont donné leur vie pour honorer la volonté d’Alexandre, fils d’Amon, au mépris de Ptolémée, fils de rien. Moi, Kalonymos, homme de Macédoine, frère d’Akylos, je vous prie, Grands Dieux, d’accueillir ces héros dans votre royaume comme vous y avez accueilli Alexandre.
Gaëlle leva de nouveau les yeux pour montrer qu’elle avait fini. L’excitation avait cédé la place à la stupéfaction. Tout le monde resta muet pendant au moins cinq secondes. Ce fut Nicolas qui finit par rompre le silence.
— Est-ce que cela... commença-t-il d’une voix hésitante, est-ce que cela signifie que...
— Oui, confirma Ibrahim. J’en suis convaincu.
III
Dès qu’il eut envoyé ses photos,
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