Le tombeau d'Alexandre
traduire l’inscription revenait à s’attendre à ce qu’elle parle couramment l’ancien français sous prétexte qu’elle était française.
S’il n’y avait eu qu’une langue principale en Égypte ancienne, l’écriture avait admis différents alphabets. Les hiéroglyphes, ces pictogrammes stylisés bien connus qu’on avait trouvés dans les temples et les tombes, étaient apparus vers 3100 avant Jésus-Christ. Initialement, il s’agissait de dessins et les premiers égyptologues avaient cru qu’ils constituaient une forme d’écriture strictement picturale, dans laquelle chaque symbole correspondait à un concept. Mais, après la découverte de la pierre de Rosette, sur laquelle le même texte était écrit en hiéroglyphes, en démotique et en grec, Thomas Young puis Jean-François Champollion avaient constaté que ces pictogrammes avaient une valeur symbolique mais aussi phonétique. Il s’agissait en quelque sorte de lettres pouvant être combinées de différentes façons pour composer des mots, et donc tout un vocabulaire, dans une langue qui possédait en outre une syntaxe et des règles grammaticales.
S’ils étaient beaux à regarder sur les murs des temples et des palais, les hiéroglyphes étaient bien trop sophistiqués pour un usage quotidien. Par conséquent, quasiment dès le début, les Égyptiens avaient élaboré un alphabet plus simple : l’hiératique. Cette écriture, devenue celle de la littérature, du commerce et de l’administration, avait généralement pour support des matériaux moins prestigieux, comme le bois, le papyrus ou l’ostracon. Puis l’hiératique avait évolué pour engendrer, vers 600 avant Jésus-Christ, le démotique, qui réduisait les caractères de l’alphabet précédent à une série de barres, de tirets et de points. Pour simplifier, ces trois systèmes d’écriture étaient comparables à l’écriture dactylographique, manuscrite et sténographique. Le démotique était la version abrégée de la langue égyptienne. Pis, ce système ne comportait ni voyelles ni espaces entre les mots. Le vocabulaire s’était élargi pour prendre différentes formes vernaculaires. L’alphabet, qui variait d’une région à l’autre, avait énormément évolué au fil des siècles. Finalement, le démotique s’était décomposé en divers groupes, qu’on avait rassemblés en trois grandes catégories : ancien, ptolémaïque et romain. Pour le déchiffrer, il fallait l’étudier pendant des années et disposer de dictionnaires très complets. Selon la forme dont il s’agissait et les ressources disponibles, Gaëlle mettrait peut-être des heures, des jours, voire des semaines à traduire l’inscription.
Il faisait trop sombre dans la salle pour déchiffrer le texte sur place mais, avec la photo, elle allait pouvoir zoomer. La définition était excellente. Malgré la poussière et les toiles d’araignées, les caractères étaient nets. Toutefois, il y avait quelque chose d’intrigant...
— Alors ? demanda Ibrahim.
— Pouvez-vous m’accorder une minute ?
— Bien sûr.
Il invita tout le monde à sortir de la pièce pour qu’elle puisse réfléchir dans le calme.
II
Knox était allongé dans sa jeep, immobile. Ses poursuivants s’étaient rassemblés juste à côté et discutaient de la stratégie à adopter, le temps de reprendre leur souffle. Sa sueur se refroidissait et lui donnait des frissons malgré la chaleur. La jeep s’affaissa. Quelqu’un venait de s’asseoir sur le capot. Il entendit un briquet s’allumer. Les hommes fumaient une cigarette en bavardant et en plaisantant sur leur âge, qui les avait rendus trop lents. La jeep grinça sous le poids d’une autre personne. Combien de temps allait-il s’écouler avant que l’un d’eux ne pense à regarder sous la bâche ? De toute façon, Knox ne pouvait pas bouger. Il ne pouvait que réfléchir. Mais que faire ? Hassan et Nessim étaient à ses trousses, ainsi que la police, l’armée et les Dragoumis, entre autres. Il lui était impossible d’allumer son portable pour regarder les photos qu’il avait prises. Il aurait été repéré immédiatement. Et puis, il n’aurait pas vu grand-chose sur l’écran minuscule d’un téléphone. De toute façon, il devait s’en débarrasser au plus vite, car elles constituaient une preuve de sa présence dans le site et risquaient de lui coûter dix ans de prison. Idéalement, il aurait fallu qu’il les transfère
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