Le Tombeau De Jésus
homme d’une soixantaine d’années. Il me confia que les résultats du test isotopique pouvaient être interprétés de deux manières différentes :
— Ou bien l’inscription a été falsifiée, ou bien…
Il s’interrompit au milieu de sa phrase.
— Ou bien quoi ?
— Ou bien elle a été nettoyée.
— Mais tout le monde peut voir qu’elle a été nettoyée. On le constate à vue d’œil. L’année dernière, le Dr Ilani et le Dr Rosenfeld s’inquiétaient déjà des dégâts causés à la patine par ce nettoyage.
— C’est d’accord, reprit Amos Bien.
— Comment ça, « c’est d’accord » ? Le monde entier pense que l’inscription est un faux à cause d’un test conduit sous votre direction et vous me dites que tout ce que l’analyse isotopique prouve, c’est qu’elle a été nettoyée ?
— Je ne présenterais pas les choses de cette manière, mais, oui, c’est grosso modo correct.
Abasourdi, je restai silencieux un moment, puis lui dis :
— L’AAI claironne dans le monde entier que l’inscription est un faux !
— C’est leur problème, adressez-vous à eux.
— Selon l’analyse isotopique, s’il y a bien eu contrefaçon, c’est sur la première partie de l’inscription. La seconde partie, concernant Jésus, a été validée par le test
— Vous pourriez présenter les choses ainsi, conclut Amos Bien.
À l’heure où j’écris ces lignes, l’instruction contre Oded Golan poursuit son cheminement kafkaïen dans le labyrinthe du système judiciaire israélien. Des mois après le début de l’instruction, le Dr Wolfgang Krumbein, professeur à l’université d’Oldenburg en Allemagne, et l’un des plus grands experts en patine de pierres, a déclaré que l’inscription était authentique et que le test isotopique était un scandale. Mais il était trop tard. Aux yeux de l’opinion, l’ossuaire de Jacques était une contrefaçon très élaborée, réalisée par un faussaire, désireux de soutirer des millions à des chrétiens naïfs.
Comment en est-on arrivé-là ? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est que l’AAI avait un compte à régler avec Golan. Au fil des années, j’ai essayé d’en comprendre les raisons. Peut-être était-ce une affaire de susceptibilité. Quand cette histoire a été révélée, personne, à l’AAI, n’en avait entendu parler. Ses responsables apprirent la nouvelle quand le New York Times sollicita leur avis alors que l’ossuaire partait pour Toronto. Golan avait honnêtement décrit l’artefact comme un « ossuaire vieux de deux mille ans » en demandant une autorisation de sortie, mais n’avait pas signalé qu’il portait la seule mention archéologique connue de Jésus. Je pense que l’AAI a voulu lui faire payer la situation ridicule dans laquelle elle s’est retrouvée. Je ne pense pas qu’elle ait fomenté un complot pour l’abattre, mais je n’exclus pas totalement cette hypothèse. La police a rendu la vie de Golan infernale. Pendant plus d’un an, tandis que l’instruction se poursuivait, il fut assigné à domicile, sans même pouvoir faire ses courses à l’épicerie du coin.
Mais l’AAI avait une autre raison d’en vouloir à Golan. C’est un collectionneur. Du point de vue de l’AAI, les collectionneurs sont les proxénètes de l’archéologie biblique. En achetant des artefacts, ils créent un marché qui encourage les pilleurs. Dès lors qu’un tombeau a été saccagé et que le contexte archéologique a été perturbé, il n’a plus de valeur historique. Pour l’AAI, le seul moyen de protéger les antiquités est d’éliminer les collectionneurs. L’AAI a voulu faire un exemple avec Golan.
Au fond, peu leur importait que Golan ait falsifié l’ossuaire ou non. Pour l’AAI, un objet apparu sur le marché des antiquités perd toute valeur historique. En ce qui me concerne, je ne crois pas que seuls les objets découverts par les archéologues aient un intérêt. Bien sûr, il est préférable qu’ils soient mis au jour et préservés dans le respect des procédures. Pour autant, considérer tous les artefacts provenant du marché des antiquités comme des faux est dénué de sens. Certaines des plus grandes découvertes archéologiques, à commencer par les manuscrits de la mer Morte, ont été faites par des gens ordinaires qui ont ensuite vendu leur butin sur le marché des antiquités.
Pour ma part, je suis devenu persona non grata à l’AAI. Son
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