Le Tombeau De Jésus

en Angleterre et aux États-Unis. Debout dans cet appartement minable, je me sentis floué. Je m’attendais à rencontrer un Moussaieff, ce n’était qu’un Golan.
    Mon hôte appuya sur un bouton et le décor changea instantanément. Des stores s’élevèrent sur plusieurs murs, révélant des vitrines où étaient exposés des objets des temps bibliques d’une valeur inestimable. J’eus soudain le sentiment de tourner un film de James Bond, plutôt qu’un documentaire sur Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus.
    Golan est un collectionneur ; tout chez lui l’indique. Au cours de notre conversation, il reçut un appel téléphonique d’un Arabe qui vivait près d’Hébron, sur la rive occidentale du Jourdain, ces territoires de l’ancien Israël que se disputent aujourd’hui Israéliens et Palestiniens. L’homme à l’autre bout du fil invitait Golan à consulter un site Web. Je le suivis jusqu’à son ordinateur. Là, sous mes yeux, apparut un véritable trésor de l’âge du bronze découvert par de jeunes Palestiniens le jour précédent : épées, couteaux, bijoux, poteries, que sais-je encore. Après un rapide coup d’œil à la marchandise, Golan acheta deux épées pour environ deux mille dollars. Si l’Exode biblique s’est bien déroulé à l’âge du bronze tardif, ces épées ont pu appartenir à des soldats hébreux de l’armée de Josué.
    — L’AAI n’a pas connaissance de cette découverte majeure, me confia Golan. Elle n’en saura jamais rien. Les Arabes me donnent la primeur. Tout ce que je n’achète pas quittera le pays et se retrouvera dans une salle de conseil d’administration au Japon ou ailleurs, perdu à jamais pour les chercheurs. Je rends un grand service à ce pays en faisant en sorte qu’au moins une partie de nos trésors reste ici. Croyez-vous que les autorités me témoignent leur reconnaissance ? Rien, pas même un diplôme honorifique ! Parce que j’achète des artefacts à des Arabes de Cisjordanie, on me traite comme un criminel poursuivant des activités illégales. Ça vous semble logique ?
    Quoi qu’il en soit, à l’automne 2002, je ne m’intéressais pas au commerce des antiquités bibliques ; mon attention étant focalisée sur l’ossuaire de Jacques. Toute la journée, j’enregistrai sur magnétoscope les divers tests auxquels les scientifiques procédaient dans l’appartement de Golan. André Lemaire, ancien prêtre, professeur à la Sorbonne et épigraphiste de renommée mondiale, examinait une dernière fois l’inscription, le style d’écriture, la grammaire, etc. Le Dr Shimon Ilani et le Dr Amnon Rosenfeld de l’Israël Geological Society étudiaient quant à eux la patine – le mince dépôt qui se développe au fil des siècles sur les parois des ossuaires en calcaire tendre. Pour sa part, Hershel Shanks passait en revue toutes les données historiques sur Jacques pour confronter ces informations avec l’ossuaire. Flavius Josèphe indique que Jacques fut tué à Jérusalem, aussi n’était-il pas surprenant d’y retrouver son ossuaire. Le récit ne contredit pas l’archéologie. En outre, le Nouveau Testament désigne explicitement Jacques comme le « frère du Seigneur » (Galates 1,19).
    L’enthousiasme régnait dans l’appartement. Tout le monde était d’accord : l’inscription était authentique, la grammaire était correcte et la patine d’origine.
    L’ossuaire reposait sur une table au milieu de la pièce. Je regardai à l’intérieur et vit des fragments d’os. L’ADN de la famille de Jésus  ! pensai-je. Plus tard, j’appris que Golan les avait placés dans un récipient en plastique qu’il avait ensuite confié à un ami pour le mettre à l’abri.
    Quand chacun eut fini sa tâche, je m’attardai un peu dans l’appartement. Golan s’assit devant son piano et se mit à jouer du Beethoven. C’était l’un de ces moments surréalistes que la vie nous réserve parfois. Je me trouvais à Tel-Aviv en train d’écouter de la musique classique allemande jouée par un collectionneur israélien excentrique, à côté de l’ossuaire du frère de Jésus.
    Quand Golan eut achevé sa sonate, je le complimentai et retournai à mon hôtel en songeant que, sous peu, le monde entier découvrirait, sidéré, les images saisies par ma caméra.
    Le 21 octobre 2002, Hershel Shanks et la chaîne Discovery Channel tinrent une conférence de presse à Washington. Le lendemain matin, une photo en couleur de