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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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« Dans ses habits », comme il disait ! Je me penche sur lui qui ne paraît pas m’entendre et quand il a rendu le dernier soupir je demande aux camarades croyants de s’unir dans la récitation d’un « Notre Père ».
    Le décès est signalé aux soldats qui gardent le train. Comme on a fait pour le gendarme, il faut transporter le corps dans un autre wagon. Par les quatre coins d’une couverture nous l’y portons. Horreur ! Cet autre wagon est rempli sur une hauteur d’un mètre cinquante par des cadavres. On s’est contenté de répandre sur eux une sorte de chaux qui donne à cette masse un aspect gris, terreux. Les membres raidis dans les postures contorsionnées indiquent assez dans quelles souffrances sont morts ces malheureux.
    Je veux récupérer la couverture après avoir balancé le corps du pauvre horloger sur le tas. Un Allemand s’y oppose et me la fait jeter avec le cadavre.
    14 h 30  – Sarrebourg gare.
    Une vingtaine de prisonniers serbes encadrés de six gendarmes, longent le train et jettent sur les flaques formées sous les wagon, des poignées de chaux.
    Comme chaque jour à la même heure, M me  Rohfritsch installe sa petite fille Simone dans sa poussette et commence la promenade de l’après-midi par la rue du Winkelhof :
    — C’est cclxxii le quartier qui touche la voie ferrée. Simone avait deux ans et demi. Près de la petite chapelle qui surplombe les rails, il y avait un groupe. Je me suis approchée et j’ai aperçu le train. Trois prisonniers qui voulaient boire à une conduite d’eau ont été refoulés vers leur wagon. Alors des soldats allemands sont arrivés sur nous et nous ont fait circuler cclxxiii .
    15 h 10  – Sarrebourg gare.
    Le capitaine Franz Mulherr quitte en courant le quai militaire. Il s’arrête une première fois pour vomir derrière le poste d’aiguillage numéro deux, puis vingt mètres plus loin…
    — Par ici M. Mulherr par ici !… Il lève la tête, aperçoit les visages souriants de deux « voisins » de la rue Jeanne-d’Arc, et s’évanouit. Tandis que l’un des deux hommes soutient le commandant militaire de la gare, l’autre va chercher une cafetière.
    — Ça va mieux je crois, buvez encore.
    — Merci mes bons amis.
    15 h 12  – Sarrebourg gare.
    Les postiers Paul Krumenaker et Joseph Dillenschneider terminent de charger le fourgon du Strasboug-Paris sur la voie II. Le quai militaire est à trois cents mètres.
    — Ça sent drôlement ! Ça sent le cadavre.
    — Tu dois être enrhumé. Encore deux sacs.
    Dillenschneider se redresse :
    — C’est vrai ! Tu as raison ! Je viens de sentir et je crois que je vais vomir. Quelle infection !
    Le postier arrête un cheminot.
    — Qu’est-ce qui pue comme ça ?
    — Il y a un train de prisonniers quai militaire avec pas mal de morts.
    Dillenschneider tend le dernier sac à Krumenaker :
    — Moi je vais voir. Tu viens ?
    — Non je rentre.
    Dillenschneider sur le pont de Holf qui enjambe les voies se mêle à un groupe de femmes. La plus âgée raconte :
    — Ce sont des pauvres gens. Tout à l’heure, j’ai vu un homme écarter les planches d’une lucarne avec une barre de fer… le wagon était plein de morts et de vivants. L’homme est allé chercher des seaux d’eau, puis deux femmes sont arrivées avec des éponges attachées au bout de bâtons. Cinq minutes plus tard, des gendarmes ont chassé tout le monde à coups de crosse. J’en ai entendu un crier : « Ils ont reçu de l’eau. » Mon Dieu ! Comment quelque chose de pareil peut-elle se produire en ce monde cclxxiv  ?
    15 h 14  – Sarrebourg gare.
    Friedrich Dietrich claque la portière du compartiment. Les gendarmes accompagnateurs grimpent aux vigies, s’installent en équilibre sur les marchepieds. Une infirmière crie :
    — Attendez ! Attendez, nous n’avons pas fini, Dietrich lance à un sous-officier de la garnison de Sarrebourg :
    — Nous partons ! Gagnez la locomotive.
    15 h 18 cclxxv  – Sarrebourg gare.
    Le capitaine Mulherr débouche sur le quai militaire alors que le 7909 s’ébranle. Il est encore pâle, col déboutonné, casquette à la main. Jean Hebeisen un entrepreneur sarrebourgeois qui dirige les travaux de réfection sur le quai, l’entend dire :
    — À voir pareilles choses on doit avoir honte d’être Allemand cclxxvi .
    Une infirmière s’approche :
    — Puis-je encore vous regarder dans les yeux après ça cclxxvii

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