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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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reconnut aussitôt : c’était la Saint-Huberty, la plus célèbre cantatrice de l’Opéra. Elle sauta à terre dans un envol de dentelles claires nimbées d’un léger nuage de poudre échappé à sa haute coiffure et tira la sonnette de la porte puis, constatant que son compagnon ne l’avait pas suivie, elle se retourna et lança, mécontente :
    — Eh bien ? Venez-vous ? Je croyais que vous attendiez, cette nuit, une visite…
    L’homme ne lui répondit pas. Planté au milieu de la rue, sous l’éclairage dansant de la lanterne pendue entre deux maisons, il regardait passer Tournemine avec des yeux dilatés de stupeur qui, un instant, croisèrent le regard glacé du chevalier. Mais sans s’arrêter, celui-ci détourna la tête et poursuivit son chemin sans que l’autre trouvât seulement la force d’une réaction.
    Ce fut ainsi que le chevalier sut que, pendant des mois sans doute, il avait habité sans le savoir presque en face de l’un de ses plus mortels ennemis, le comte d’Antraigues avec lequel, par deux fois déjà, il avait croisé le fer au détriment de celui-ci d’ailleurs 6 … et qu’il venait d’être reconnu.
    « Dès demain, pensa-t-il, le comte de Provence saura que je suis toujours vivant. Lui et les hommes de Caramanico, cela va faire beaucoup d’ennemis en même temps ! Il va falloir aviser mais si, cette nuit, tout se passe comme je l’espère, cela n’aura plus beaucoup d’importance… »
    Une demi-heure plus tard, ayant laissé place Louis-XV Pongo et la charrette poursuivre leur chemin vers la barrière de la Conférence, il se retrouvait rue de Clichy devant la grille close de la folie Richelieu.
    Apparemment, Mme de Kernoa ne recevait pas, cette nuit. Au fond de son beau jardin, la maison était obscure. Aucune lumière ne se montrait derrière les volets fermés et ce silence, ces ténèbres, évoquaient si bien l’absence, l’abandon que Gilles sentit une inquiétude lui mordre le cœur : le scandale d’hier avait-il été si grand que les protecteurs de Judith aient jugé utile de l’éloigner si rapidement ? La plupart des tripots élégants étaient souvent le théâtre d’affaires plus ou moins violentes sans s’en trouver plus mal pour autant, bien au contraire. Quant aux grandes courtisanes, leur renommée se trouvait au contraire singulièrement augmentée quand, d’aventure, deux gentilshommes jugeaient utile de se couper la gorge pour leurs beaux yeux.
    Mais, si l’hôtel semblait mort, une flamme brûlait derrière les contrevents de l’un des deux petits pavillons d’entrée, élevés près de la grille à l’usage du concierge et du jardinier. Et, sans hésiter, Gilles alla frapper à cette fenêtre.
    Il frappa un moment qui lui parut durer un siècle. Finalement, une petite porte s’ouvrit derrière la grille et un homme en bonnet de nuit sortit, armé d’une chandelle dont il protégeait la flamme de sa main. Les coups avaient dû le réveiller car il bâillait à se décrocher la mâchoire et ce fut avec un maximum de mauvaise humeur qu’il demanda :
    — Qu’est-ce que vous voulez ?
    Pour ne pas éveiller la méfiance de cet homme, Gilles, pensant qu’il n’était pas mauvais qu’on le prît pour un imbécile légèrement pris de boisson de surcroît, avait laissé son cheval un peu plus haut dans la rue et s’était accoudé familièrement à la grille.
    — Ce que je veux, mon bonhomme ? Ben, je veux entrer parbleu ! J’arrive de province et on m’a dit que c’était ici la maison de Paris où l’on s’amusait le plus. Alors je viens m’amuser… Ouvre-moi !
    — Passez votre chemin. On ne s’amuse pas ce soir…
    — Ah non ?… Ça, c’est pas de chance ! Et pourquoi est-ce qu’on ne s’amuse pas ?
    — Parce que c’est comme ça ! Et puis vous avez trop bu : allez vous coucher…
    — Pas sommeil !… Mais, écoute un peu, concierge… et, tiens, prends ça ! ajouta-t-il précipitamment en portant la main à son gousset quand il vit que l’autre, avec un haussement d’épaules, allait rentrer dans sa loge.
    — Qu’est-ce que vous voulez encore ? dit le concierge, considérablement radouci par le demi-louis qui brillait au bout des doigts du faux provincial.
    — Je veux que tu me dises si, les autres soirs, on s’amuse ici parce que je n’arrive pas à y croire. C’est pas gai gai cette maison noire, ce jardin noir, tout ce noir…
    Le demi-louis ayant changé de main le

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