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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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juste à côté du marché Boulainvilliers mais il craignait un peu que les tracasseries policières ne le retardassent car il avait encore beaucoup à faire cette nuit et Lescaze, qu’il connaissait un peu, était sans doute l’homme le plus méticuleux, le plus lent et le plus paperassier de toute la police parisienne. D’autre part, filer sans avertir qui que ce soit, laisser les choses en l’état, c’était donner prise aux pires suppositions, aux pires accusations…
    Il en était là de ses cogitations quand il entendit Pongo rentrer à l’écurie et, presque simultanément, le pas lourd et cadencé des soldats de la garde de Paris 4 qui faisaient leur ronde. Se ruant à l’une des fenêtres donnant sur la rue, il l’ouvrit, aperçut en bas les six hommes vêtus de bleu et de rouge commandés par un caporal qui composaient l’escouade et se mit à crier « À la garde ! ».
    Un instant plus tard, ledit caporal flanqué de deux soldats contemplaient le carnage avec une stupeur mêlée d’admiration.
    — C’est vous, monsieur, qui avez fait tout ce travail ?
    — Avec mon serviteur, oui. J’ai eu la chance d’arriver tout juste comme ils venaient de s’introduire chez moi et j’ai pu les prendre par surprise. Pouvez-vous vous charger de les faire enlever ? Je devais, cette nuit même, partir en voyage et cela me contrarierait fort de me mettre en retard…
    La proposition, étant accompagnée de trois ou quatre pièces d’or, reçut une totale adhésion. Le caporal assura qu’avant le lever du jour, les corps des « malandrins » reposeraient sur les dalles de la Basse Geôle 5 et que, si le gentilhomme voulait bien lui rédiger quelques mots de déposition, il se ferait un plaisir de se charger lui-même des ennuyeuses formalités usitées dans des cas semblables.
    — Nous vivons des temps si troublés qu’il n’est pas rare de voir des sacripants attaquer les honnêtes gens jusque dans leurs lits. La rue ne leur suffit plus. Et si nous n’étions pas là…
    La reconnaissance s’imposait. Tournemine se hâta de rédiger les quelques lignes demandées mais ne manqua pas d’y joindre de nouveaux subsides destinés à encourager la garde dans sa pénible mission de protection et de défense des gens de bien.
    — Si d’autres détails vous étaient nécessaires, ajouta-t-il, vous pourrez toujours, après mon départ, vous adresser à la légation des États-Unis de l’Amérique septentrionale, hôtel de Langeac, rue Neuve-de-Berri. On s’y fera certainement un plaisir de vous aider, dit-il encore sans pouvoir se défendre d’une petite joie perverse en songeant au « plaisir » qui pourrait être alors celui de Jefferson.
    Mais le caporal n’avait entendu qu’une partie de son discours.
    — Monsieur est américain ? s’écria-t-il soudain débordant d’admiration. – S’il n’avait eu un mousqueton, il eût peut-être joint les mains en signe de ferveur. – Ah !… Voilà un pays pour les hommes libres… J’ai entendu dire que l’on pouvait y vivre à sa guise, faire tout ce qu’on veut puisqu’il n’y a pas de roi…
    Gilles se mit à rire.
    — N’importe qui peut vivre à sa guise lorsqu’il est au milieu d’une immense forêt ou bien au cœur d’une région complètement sauvage, dit-il. Et s’il n’y a pas de roi, il y a tout de même le Congrès, le général Washington, les gouverneurs d’États et quelques autres broutilles. Cela n’empêche d’ailleurs que ce ne soit réellement un admirable pays.
    — Je vois ! fit avec importance le caporal qui ne voyait rien du tout. Et c’est là que monsieur va, naturellement ?
    — Naturellement. Un navire m’attend au Havre.
    — Alors, bon voyage, monsieur, et n’ayez surtout aucun souci pour tout ça !… ajouta-t-il avec un dédain superbe. En exterminant des malandrins, c’est toujours autant de fait pour nous ou pour le bourreau. Allons-y, les gars ! Emportons ces messieurs. Bouchu, va me chercher un tombereau.
    Ce fut vite fait. Quelques minutes plus tard, les cadavres siciliens étaient empilés dans le chariot qui servait à enlever, quand on y pensait, les ordures du quartier. Le caporal et ses hommes acceptèrent gracieusement le verre de vin que Pongo avait préparé et que l’on but à la santé de l’Amérique libre et fraternelle après quoi l’on se sépara enchantés les uns des autres. Quand la demie de minuit sonna au clocher de l’église voisine des Jacobins, la

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