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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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derrière son dos, comme pour en défendre l’accès éventuel. Gilles, pour sa part, choisit de s’appuyer à la cheminée ce qui avait l’avantage de les mettre face à face bien qu’à une certaine distance.
    Le court silence qui s’établit permit à Gilles d’examiner sa femme avec une attention non dénuée de surprise car il s’était attendu à toutes sortes de réactions de sa part : colère, angoisse, peut-être même horreur – mais pas à cette attitude paisible et indifférente, bizarrement détachée, presque lointaine. Debout dans le reflet pauvre de la bougie qui assombrissait la masse de ses cheveux dénoués mais idéalisait encore ses traits fins, vêtue de blancheur immaculée, elle ressemblait à un fantôme plus qu’à un être de chair car sa pâleur était extrême.
    Vainement, il chercha à capter le sombre regard qui le dédaignait et passait au-dessus de lui. Agacé de n’y point parvenir, il se décida à faire entendre sa voix, une voix curieusement calme et qui ne reflétait en rien la tempête dont son cœur était bouleversé.
    — Me diras-tu, fit-il, ce qui pouvait te faire croire que j’allais venir ?
    Toujours aussi indifférente, Judith haussa les épaules.
    — Tu ne pouvais pas ne pas venir. Cela ne t’aurait pas ressemblé… Dès l’instant où j’ai deviné qui se cachait derrière le masque de ce marin américain, j’ai su que tu reviendrais. Aussi t’ai-je attendu. Pas longtemps, il est vrai, puisque vingt-quatre heures seulement se sont écoulées depuis la honte que tu m’as infligée… C’était hier !
    — Curieuse attente ! Une maison déserte, bouclée comme un coffre-fort, gardée et…
    — N’y avait-il pas une fenêtre ouverte et n’as-tu pas su trouver cette fenêtre ? Je savais que cela suffirait. N’as-tu plus les ailes du Gerfaut ?
    — Soit, tu m’attendais ! Mais hier… au milieu de cette foule joyeuse, de ces hommes qui collaient à toi comme des mouches à un rayon de miel, tu ne m’attendais guère, n’est-ce pas ?
    Quittant sa pose abstraite, elle alla s’asseoir devant sa table à coiffer, pencha la tête pour contempler son visage dans le miroir. Puis, d’une petite voix paisible, comme si ç’eût été la chose du monde la plus simple, elle déclara :
    — On m’avait dit que tu étais mort…
    — Évidemment ! On n’attend pas un mort. On le pleure… ou on l’enterre. Apparemment, tu as choisi sans peine la seconde solution…
    Le reflet du miroir lui renvoya la brutale terreur qui avait envahi les yeux noirs de Judith quand il avait dit « on l’enterre ». Et il devina que ce simple mot, en lui rappelant la nuit horrible où elle s’était trouvée jetée, toute vivante, au fond d’une tombe 1 , suffisait à raviver son effroi et les cauchemars qui avaient longtemps hanté ses nuits, cauchemars dont, seule, l’influence magnétique de Cagliostro avait réussi à la délivrer. Mais la colère qui gonflait en lui était si violente qu’il éprouva une joie cruelle à lui faire ce mal. Au moins lui avait-il fait perdre sa superbe indifférence.
    Lentement, il s’approcha d’elle jusqu’à ce que son propre visage s’inscrivît dans la glace au-dessus de la tête de la jeune femme.
    — Tu ne m’as guère pleuré, il me semble ? L’anniversaire de notre doux mariage est encore éloigné de près de trois mois. Ma mort supposée n’en a pas neuf et cependant…
    Brusquement, elle fit volte-face sur sa chaise et leva vers lui un visage étincelant de fureur.
    — Pourquoi t’aurais-je pleuré ? On ne pleure que ce qui en vaut la peine et toi tu n’as jamais été digne même d’un seul de mes regards ! As-tu oublié ce qui s’est passé au soir de ce mariage dont tu oses te prévaloir ? As-tu oublié que tu m’as laissée seule… toute seule pour courir au rendez-vous que te donnait une maîtresse jalouse… et quelle maîtresse ! L’immonde garce qui ridiculise notre pauvre roi, qui déshonore le trône de France et, qui après lui avoir soutiré un collier de deux millions, jette à la Justice son autre amant, le cardinal de Rohan ! Ah ! vous allez bien ensemble, toi et elle ! Un paysan bâtard, mal dégrossi et une putain…
    La gifle claqua comme un coup de fouet. Une autre suivit et une autre encore qui procurèrent à Gilles une espèce de griserie dangereuse. Puis, arrachant Judith de sa chaise, il la jeta brutalement sur son lit où elle s’affala dans un

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