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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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se contenta de poser sur son épaule une main chaleureuse.
    — Voilà un langage qui me charme, chevalier, surtout chez un noble de vieille souche. Vrai Dieu ! je suis à présent extraordinairement heureux de vous accueillir chez moi. Un combattant d’Amérique doublé d’un homme de cœur sachant rendre à l’homme ce qui lui appartient ne peut y être que le très bienvenu.
    — Je vous remercie. Mais peut-être alors, monsieur, consentirez-vous à m’apprendre, à présent, à qui je dois, croyez-le, bien plus que la vie.
    L’autre se mit à rire et ce rire, franc et communicatif, était extraordinairement jeune chez un homme qui avait dépassé la cinquantaine, ainsi que le révélait la lumière des bougies sur son visage tout au moins car la silhouette était restée mince et le geste vif.
    — Recevez mille excuses ! Je suis impardonnable ! C’est à Mme de Willermaulaz, ma « ménagère », que je viens de vous présenter et, en ce qui me concerne, j’ai pour nom Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais.
    Les yeux de Tournemine s’arrondirent.
    — Beaumarchais ?… L’auteur du fameux Mariage de Figaro et du Barbier de Séville que viennent de jouer la reine et le comte d’Artois en personne ?
    Le sourire de l’écrivain s’accentua tandis qu’il saluait de nouveau.
    — Mes modestes personnages ont eu, en effet, ce très grand honneur…
    Mais Tournemine n’en avait pas encore fini avec l’étonnement et les questions qu’il se posait à lui-même plus encore qu’à son hôte.
    — Beaumarchais l’homme du roi ? Son agent secret en quelque sorte ? Comme c’est étrange !… pourtant, n’avez-vous pas été jeté en prison voici peu ?
    — À Saint-Lazare, en effet, mais ce n’était pas vraiment le roi qui m’y avait envoyé. C’était Monsieur… tout comme vous-même à la Bastille, n’est-ce pas ? Et c’est le roi qui m’en a fait sortir quelques jours après… Tout comme vous encore mais plus facilement : il a suffi d’un ordre d’élargissement. J’ajoute que, depuis longtemps déjà, je suis à son service… secret, sans que, d’ailleurs, il s’en rende toujours parfaitement compte. C’est au surplus sans importance…
    Son visage, qui s’était rembruni progressivement, reprit bien vite sa sérénité souriante.
    — Mais ne croyez-vous pas, chevalier, qu’avant de parler politique, nous devrions songer à vous mettre au sec ? Vous et le seigneur Pongo êtes en train d’inonder les tapis de Thérèse… outre que vous ne devez pas être fort à votre aise.
    — C’est trop juste ! Pardonnez-moi, madame, cet involontaire gâchis. Je ne pensais pas me retrouver si vite dans un salon.
    — Vous êtes tout pardonné, monsieur, sourit Thérèse sur laquelle agissait déjà visiblement le charme du jeune homme en dépit de sa piteuse apparence. Pierre-Augustin va vous trouver des vêtements secs puis vous passerez à table pour vous remettre un peu avant d’aller dormir. J’ai des œufs tout frais que j’ai rapportés hier d’Ermenonville et j’espère que vous allez aimer ma confiture de fraises…
    Un moment plus tard, enveloppé dans une vaste robe de chambre rayée vert et blanc, appartenant à Beaumarchais, qui rattrapait en largeur ce qui lui manquait en longueur, Gilles prenait place avec ses hôtes et Pongo, drapé lui-même dans un tissu pourpre qui lui donnait assez l’air d’un roi de tragédie, autour d’une table aussi agréablement servie que si l’on eût été au milieu de la journée.
    Tout en faisant honneur aux œufs brouillés de Thérèse accompagnés d’un pain miraculeusement croustillant et tiède et d’un café qui embaumait toutes les senteurs de son île natale de Saint-Domingue, Tournemine examinait ses hôtes.
    Rassurée à présent sur le sort de son seigneur et maître qu’elle couvait d’un regard plein d’une tendresse quasi maternelle, bien qu’elle eût près de vingt ans de moins que lui, la belle « ménagère » se laissait aller sans arrière-pensée à son naturel enjoué, chaleureux et hospitalier. Tandis qu’elle bavardait avec ses nouveaux amis, les beaux yeux bleus qui animaient son joli visage en forme de cœur et s’accordaient si bien avec ses cheveux blond cendré se posaient incessamment sur les assiettes et les tasses afin de s’assurer que personne ne manquait de rien.
    Fraîche, nette et appétissante dans son négligé d’une blancheur neigeuse, bien coiffée en dépit de

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