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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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avait fait le tour de ce parc, constatant seulement avec rage que Monsieur était sans doute le prince le mieux gardé d’Europe. Des bruits de bottes résonnaient un peu partout le long du grand mur d’enceinte hérissé de tessons de bouteilles et, lorsque l’on trouvait un endroit susceptible d’être escaladé, on découvrait aussitôt, du sommet, les pointes des baïonnettes errant régulièrement au rythme de la marche des factionnaires.
    — Faudrait canon ou gros bataillon pour entrer là-dedans, commenta Pongo. Roi lui-même pas si bien gardé.
    — Je suis de ton avis. Le prince ne doit pas jouir d’une grande popularité auprès de ses paysans et des gens de la région pour protéger sa maison de la sorte…
    C’était le moins que l’on pût dire. Quelques questions habiles jointes à un peu d’argent renseignèrent Tournemine : non seulement les gens de Brunoy n’aimaient pas Monsieur mais encore ils le détestaient carrément. Cela tenait surtout à la manière dont le prince était entré en possession de cette terre, au mois d’août 1774. Brunoy appartenait alors au jeune marquis de Brunoy, Armand Paris de Montmartel, fils du célèbre financier, et qui adorait d’un même cœur son domaine et ceux qui le peuplaient.
    — Je ne suis pas seigneur, avait-il coutume de dire, je suis un croquant déguisé en seigneur, le petit-fils d’un aubergiste de village. Nous sommes tous frères.
    Ce curieux maître qui avait la passion du jardinage couvrit de ses bienfaits ses jardiniers avec lesquels il maniait souvent la bêche ou le râteau mais les étendit aussi à tous ses paysans avec lesquels il buvait volontiers le coup et qu’il invitait à sa table. Ceux-ci n’étaient guère troublés alors par l’élégance de leur maître car Armand-Louis, dédaignant les artifices vestimentaires, ne changeait jamais de chemise, se contentant de la brûler quand elle était raide de crasse. En revanche il aimait que son monde fût bien vêtu. Ainsi, les jardiniers reçurent de superbes habits galonnés d’or fin et il dota la compagnie d’arquebusiers du village d’une tenue verte et or d’une si grande élégance que le comte d’Artois s’en inspira pour habiller ses gardes. Le château lui aussi fut superbement orné, agrandi, et embelli… dans le seul but d’y accueillir tous les miséreux et les vagabonds des environs.
    Une fois mis sur le chapitre de leur ancien et bien-aimé maître, les gens de Brunoy n’en finissaient plus de s’attendrir et de regretter. Bien sûr, Armand-Louis n’avait peut-être pas la tête bien solide, bien sûr il faisait des choses un peu bizarres comme le deuil insensé ordonné pour la mort de son père où les vaches même avaient été peintes en noir… mais il était bon comme du bon pain, généreux comme un roi qui serait généreux et jamais, tant qu’il avait été là, personne n’avait souffert misère, faim ou froid sur ses terres. Monsieur, lui, s’était contenté pour l’obliger à lui vendre ce domaine qu’il convoitait depuis longtemps, de faire pression sur une famille déjà suffisamment inquiète de voir la fortune d’Armand-Louis passer en grande partie dans les poches des croquants.
    Il avait obtenu des Paris de tout poil que le jeune marquis fût interdit et que le domaine lui fût vendu. Et comme le spolié appelait tout le pays à la révolte, comme cette révolte était déjà en marche, on avait tout simplement arrêté le « pauvre fou » qu’on avait d’abord interné au prieuré d’Elmont, près de Saint-Germain-en-Laye avant de l’envoyer mourir à l’abbaye de Villers-Bocage, en Normandie.
    — Avec le prince les choses sont bien différentes, dit à Gilles le bourrelier Maréchal qui avait longtemps occupé le poste incongru mais rentable de « secrétaire de M. le marquis ». Il nous met à la ration congrue sous prétexte qu’on a assez touché comme ça et il nous surveille comme si on était tous fous. L’ose quand même pas nous faire tous enfermer mais c’est pas l’envie qui lui en manque…
    L’amertume régnait sans doute au village, mais aussi la peur car le chevalier ne put obtenir sur la berline rouge d’autre renseignement que ce qu’il savait déjà : elle était entrée dans le parc. Un point, c’est tout. Il ne sut même pas si elle en était ressortie. Tout ce qu’il réussit à se faire dire encore, ce fut « qu’il s’en passait de drôles au château où ne venait guère

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