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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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n’y boutions le feu.
     
    La configuration des lieux, très escarpés, avait dissuadé nos assiégeants d’armer des bricoles ou des pierrières. Leur mise en œuvre aurait été vaine et aurait mobilisé un très grand nombre de servants sans grand succès.
    Plus dangereuse aurait été la présence d’un solide trébuchet capable de projeter des boulets de pierre de près de trois cents livres à plus d’une portée d’arc. Nos assiégeants ne semblaient pas en avoir transporté ; or, le sorbier, un bois souvent utilisé pour la fabrication de la verge en raison de sa grande dureté, ne poussait pas dans nos sous-bois, à ma connaissance. De toute façon, fraîchement coupé, le bois n’aurait pas eu les qualités requises.
    Nous avions craint la présence de pots à feu. Mais, grâce à Dieu, l’ennemi ne semblait pas en avoir placé sur quelque charroi. À moins qu’ils ne les aient dissimulés à notre vue, m’inquiétai-je soudainement.
    Dans ce cas, le pire serait à craindre. Ces nouvelles bombardes dont la mèche pouvait parfois faire long feu, ainsi que dans le souvenir que j’avais gardé de l’attaque des pirates barbaresques en mer Méditerranée {8} , demeuraient redoutables lorsqu’elles étaient allumées par temps sec, mortelles pour les servants si elles explosaient lors de la mise à feu, dangereuses pour les assiégés lorsqu’elles ouvraient de magnifiques brèches dans les murailles qu’elles parvenaient, en dépit de leur épaisseur, à disloquer parfois. Je l’avais ouï dire, sans avoir encore eu l’occasion de l’observer par moi-même. Je craignis de ne pas tarder à être fixé.
    Et je vins à douter derechef de la qualité de notre système de défense. Notre point faible, contrairement à la confiance dont je faisais preuve avec une certaine désinvolture. Pouvais-je me permettre de sous-estimer la ruse ou de mépriser la puissance de l’ennemi ?
    L’histoire militaire témoignait des échecs sanglants qu’avaient commis, un jour ou l’autre, les chefs parmi les plus grands et les meilleurs dès que l’ivresse de victoires facilement acquises avait occulté leur sens critique. La certitude de leur génie en la conduite de l’art de la guerre s’était traduite, tôt ou tard, par un désastre militaire.
    Mais, n’étant point un génie, je me rassurai en me disant qu’après tout, nous ne courrions pas un si grand désastre…
    Surtout si nous prenions quelques nouvelles dispositions rapidement.
     
    Du haut du donjon où je me tenais, je superposai les mains en visière sur mon front pour me protéger du soleil qui pointait à l’horizon.
    Les yeux plissés pour filtrer un mince filet de lumière, les écuyers Amaury de Siorac, Onfroi de Salignac et moi observâmes une compagnie d’archers gallois se mettre en position plus loin, là-bas, face à nous, à moins d’une portée d’arbalète des murs d’enceinte de notre village. Plus loin, à contre-jour, nous ne distinguions que les oriflammes qui surmontaient les tentes occupées par les chevaliers et leur maison.
    Revêtus de brigantines de cuir renforcées de lamelles de fer couvertes d’étoffe, avec hautes manches et sous-jaquettes de mailles, de chausses de toile ou de peau doublées, avec genouillères de fer, les archers s’alignèrent sur deux rangées, derrière les mantelets qui avaient été disposés la veille.
    Le pâle soleil d’automne montait progressivement à l’horizon tandis qu’un léger vent d’ouest chassait les brouillas qui s’étendaient encore à l’aube sur le camp que le comte de Derby avait fait dresser dans la plaine.
    La première ligne mit un genou à terre. Les autres, sur la deuxième ligne, se tinrent debout. Le sommet arrondi de leur chapel de fer, sans visière, luisait faiblement au soleil levant. Tous fichèrent en terre, à leur pied, à même le sol et par la pointe, un nombre considérable de flèches.
    À l’arrière, un grand nombre de gens de pied portaient des » chanlattes. La première vague d’assaut viendrait de la vallée, à l’ouest, si assaut il y avait. Plus loin encore, les verges des mangonneaux à roue de carrier de l’armée anglaise, en position de catapultage, étaient bandées à se rompre. Un déluge de pierres ne tarderait pas à s’abattre sur nous.
     
    Lorsque leur capitaine leva le bras, les archers bandèrent leur arc. Lorsqu’il l’abaissa en beuglant un commandement en anglais, en gallois ou je ne sais dans quelle

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