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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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l’épée s’il enlevait la place, ce qui, selon lui, ne tarderait point. On attendait notre réponse dans l’heure.
    Ils la reçurent incontinent par retour.
     
    « Placez Raoul d’Astignac dans le berceau du trébuchet et tentez d’atteindre ce pavillon, là-bas, dont l’oriflamme flotte plus haut que les autres. Le voyez-vous ? demandai-je aux servants.
    — Raoul d’Astignac ? Feu notre capitaine d’armes, messire Brachet ? Il est en deux morceaux par la grâce de votre épée ! Quelle partie devons-nous balancer : le corps ou le chef ? Le réglage ne sera pas le même…
    — Le chef suffira. Sa tête est d’une grande éloquence : le nez et les oreilles tranchées, le bouc, le collier, le crâne chauve. Et l’expression de son visage, le rictus amer de sa bouche sont suffisamment explicites pour faire comprendre le sort que nous réservons à ses fidei commes. À tous les traîtres ! »
     
    Le crâne chauve de Raoul d’Astignac, promptement décolé deux jours plus tôt par mes soins, fut placé dans la poche en cuir du trébuchet. Catapulté à une vitesse incroyable en direction du superbe oriflamme qui surmontait le toit le plus haut de tous les pavillons qui estravaient la plaine, il monta dans l’air et ne devint bientôt plus qu’une tête d’épingle.
    On entendait encore le sifflement de la verge, le feulement du projectile que les deux contrepoids bourrés d’un mélange équilibré de caillasse et de glaise avaient projeté, que le chef décapité du félon s’écrasa avec une précision magnifique sur la toile du pavillon d’une niceté immaculée, qu’elle creva.
    L’oriflamme écartelé aux lys de France et aux léopards d’Angleterre nous laissait penser qu’il abritait Henri de Lancastre, comte de Derby, lieutenant général du roi d’Angleterre pour la Guyenne. Les hampes se brisèrent et les couleurs d’or, d’azur et de gueules se répandirent non sans une certaine nonchalance affectée sur les deux mats qui fermaient l’entrée du pavillon comtal.
    Dans la bouche du traître, nous avions glissé un mauvais parchemin qui ne laissait aucun doute quant à nos intentions. Le premier degré de notre riposte à leur tentative d’intimidation avait atteint son but. Avec moult belles précisions !

    Un nouveau message en provenance du camp ennemi nous informa très poliment qu’ils n’avaient que faire de la tête chauve de messire Raoul d’Astignac, un félon de plus qui, pour avoir en outre échoué dans sa mission, avait mérité le sort que nous lui avions réservé. Pour preuve, elle avait été à nouveau plantée sur un pique – que nous pouvions apercevoir –, afin que les charognards en nettoient les chairs. Mais très curieusement, aucune allusion n’étaitfaite quant au traitement que nous envisagions pour les chevaliers, les écuyers et les sergents d’armes que nous avions capturés, si le siège perdurait ou si les Godons tentaient un assaut.
    Notre trébuchet, long à rouiller, habituellement moins précis que le couillard que nous avions construit durant l’été avec de bons madriers de châtaignier bien sec, mobilisait un grand nombre de servants, près d’un quart de nos effectifs combattants.
    Je le gardai en réserve pour le troisième degré de notre contre-attaque. Tantôt. Un peu plus tard. Le moment venu. Non point pour saper des murs, mais pour saper le moral de l’ennemi en décopant ses hommes. Pour l’heure, le deuxième degré de notre riposte devait le précéder. Il ne tarderait pas.

    Dans la plaine, les charpentiers et les manouvriers avaient fini d’installer les verges, les fûts et les contrepoids de plusieurs mangonneaux à doubles roues de carrier. Du côté de la barbacane, ils achevaient l’assemblage d’un beffroi de plusieurs toises de hauteur pour dominer nos défenses et franchir la douve sèche qui les ceinturait au sud et à l’ouest.
    Des menuisiers confectionnaient un chat pour protéger les servants qui balanceraient, tel un pendule, un lourd bélier destiné. à forcer la porte de la poterne sud. Un châtaignier presque centenaire avait été abattu dans les bois environnants ; le tronc avait été s ommairement dégauchi, tiré par une paire de bœufs, puis placé sur des sangles de cuir reliées au faîte de la charpente du chat. Le toit avait été revêtu de peaux ou de cuir tanné qui seraient prochainement aspergés d’eau lorsque l’engin entrerait en action, pour éviter que nous

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