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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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deux à deux. Il me rejoignit pour prendre mes ordres. Je l’avais autrefois rudoyé, confiné dans des tâches que d’aucuns considéraient plus serviles que nobles. Deux jours plus tôt, il appartenait encore au chevalier Mirepoix de la Tour. Mais le ci-devant chevalier avait passé les pieds outre. Or donc, le plus jeune écuyer de la place n’avait plus de maître. Aussi, d’écuyer tranchant, je l’avais pris à mon service ès qualités de premier et unique écuyer servant…
     
    Son souffle court, digne d’un bœuf haletant sous le joug, prouvait qu’il manquait sérieusement d’exercice. Son visage encore poupin trahissait sa prime jeunesse. Mais le damoiseau avait le regard droit et franc. Aussi m’avait-il plu et avais-je décidé de lui donner sa chance. De lui apprendre ce que d’autres m’avaient appris.
    « Messire Guilbaud, l’ennemi creuse-t-il quelque galerie pour ébouler nos fortifications ? Tente-t-il quelque sape ? lui demandai je tout de gob.
    — Non, not’maître, les…
    — Ne m’appelez point « maître » ; je ne suis ni maître-artisan ni maître ès scolastiques, que Diable ! Je ne suis qu’un pauvre chevalier bachelier qui n’était, il y a encore peu, qu’un simple écuyer. Comme vous.
    Soit, mais comment dois-je m’exprimer lorsque je m’adresse à vous ? s’enquit-il, l’air fendant.
    Pourquoi ne diriez-vous pas : « Mon beau et noble sire, mon bon seigneur… », cela ronflerait magnifiquement et flatterait mon ego de jeune coq gaulois ! lui proposai-je en levant les sourcils, en tordant la bouche et en prenant un air torve qui déclencha chez lui une série de hoquets, manifestation d’une franche hilarité.
    — Soit, messire Bertrand, qu’il soit dit selon votre souhait. Apprenez toutefois que je suis orphelin depuis une douzaine d’années et encore bien peu rompu aux us et coutumes de la bienséance. Or, vous n’ignorez pas mon âge.
    « Feu le chevalier Mirepoix de la Tour, que j’ai toujours eu en grande estime et reconnaissance pour m’avoir pris très tôt à son service, était un homme secret, peu enclin à s’épancher, peu enclin à m’enseigner sa science. Je ne lis et n’écris que difficilement les mots et les phrases, mais sais compter d’adroite façon par la grâce des nombreuses burettes que le curé de nos trois paroisses me priait de rincer entre deux leçons d’écriture, de lecture ou de calcul. Savez-vous qu’il apprécie ce petit blanc du bergeracois d’étonnante façon, au point de célébrer la consécration du pain et du vin plusieurs fois par jour ?
    — Je m’en doutais ! Je m’en doutais pour avoir surpris notre brave curé, le visage rougeaud, l’haleine vineuse et l’élocution difficile, à des heures où il n’est point coutume de célébrer l’office. Messire Guilbaud, vous me plaisez à la parfin, vous ne manquez point de sens de l’humour. Mais l’heure n’est point aux confidences médisantes, venons-en aux faits : les Godons ne tenteraient-ils pas de saper nos murs ? Avez-vous procédé aux inspections que je vous ai confiées ?
    — N’ayez crainte, messire, si les Anglais tentent quelque chose, le danger ne devrait pas venir d’icelui côté ; l’eau, disposée dans les seaux sur le sol de nos maisons et selon vos instructions, ne frémit en aucun lieu. Sauf, il est vrai, dans la cave de la Maison au four : le guetteur s’était endormi et sa chevelure en avait ridé la surface au moment même où je m’étais approché de lui pour lui secouer la couenne !
    « J’ai également vérifié tous les pendules et interrogé les gardes. Les pendules n’ont onques manifesté le moindre signe d’oscillation. Seule une mouche aurait pu…
    — Il n’y a plus de mouche en cette saison, messire Guilbaud.
    — Certes, nous pouvons donc en conclure que si nos ennemis tentent quelque assaut, le danger ne viendra pas du feu qu’ils affoueraient dans les galeries qu’ils auraient creusées pour ébouler nos défenses.
    — Et où en sommes-nous rendus quant au nouvel emplacement du trébuchet ?
    — Le trébuchet que vous aviez mis en batterie sur la terrasse du donjon cet été, ici même, vient d’être installé dans le fossé qui répare le château de la basse-cour, d’où il peut assez aisément pivoter pour couvrir nos défenses sur un angle de… de…
    — Je l’aperçois, mais ainsi démasqué, les Têtes de bûche qui sur veillent le village l’auront

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