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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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après la démonstration de son savoir-faire.
    « Ils s’agitent trop pour préparer un siège en bonne et due forme. Le comte de Derby et les maréchaux de son ost sont instruits de la situation, croyez-moi. Ils savent parfaitement que nous avons saisi un grand nombre de leurs chevaliers, écuyers et gens d’armes. Parmi les plus valeureux. S’ils font preuve de sagesse, ils éviteront grande décipaille.
    « Auriez-vous donc oublié ces malheureux ? Ne les avez-vous pas entendus ruer comme des juments qui se refusent à l’étalon et clabauder à tout va dans le passage de la chapelle où nous les avions enchefrinés avant de les conduire dans le Grand Cluzeau ? Ils comptent le temps qu’ils mettront à réunir la rançon que nous ne tarderons pas à négocier avec eux en échange de leur liberté.
    « Ah ça, leur complainte ne serait-elle plus parvenue à vos sens ébaudis ? Auriez-vous été atteint de surdité, mon bon chevalier ? Il est vrai que depuis deux nuits, vous arrachez à Honorine, votre nouvelle bagasse, non point ces doux gémissements délicatement soupirés, ceux qu’exhalent, paraît-il, les dames qui prennent plus de plaisir à flatter l’orgueil de celui qui les chevauche que de plaisir à se faire fotre, mais de puissants rugissements qu’elle huche à oreilles étourdies. Le plus souvent entre complies et laudes ! Au beau milieu de la nuit ! Ferait-elle semblance de jouir aussi haut et aussi fort pour flatter votre virilité, ou est-ce vraiment pour vous remercier du plaisir que vous lui donnez en la paillardant gaillardement ?
    « Car voyez-vous, messire Guillaume, l’épaisseur des murs de votre maison, la hauteur des plafonds, le poids des tentures ne sont pas suffisants pour couvrir le tumulte de vos ébats et les couinements des lattes de votre châlit ; cela altère l’esprit, gêne, distrait et provoque une sorte de consomption de mon union charnelle avec ma douce épouse, Marguerite. Elle ne s’ococoule plus dans mes bras, dans le secret et le silence des courtines de ce lit que vous avez eu la bonté de mettre à notre disposition, sans être prise de rires fous ! mentis-je sans vergogne.
    — Par les cornes du Diable, c’est bien vrai qu’elle m’échauffe les sangs et l’esprit, cette fagilhère d’Honorine, mais au lieu de nous épier, tu ferais mieux d’en prendre de la graine pour conduire tes propres ébats ! Ta Marguerite n’aurait-elle pas d’aussi belles mamelles qu’Honorine depuis que tu l’as mariée ? Ou un cul moins gras et moins dodu ? Serait-elle moins prompte à s’escambiller ? Ou bien alors, serais-tu atteint de triste faiblesse, mon ami, comme je le fus peu après mon mariage ? Le mariage provoquerait-il une sorte de, de… comment dire, de castration de l’envie qui commande le beau et fort gonflement de notre virilité ? bégueta-t-il avant de renchérir :
    « Si tel est le cas, tu n’aurais point dû la marier avant de la biscotter ! Un conseil, un seul : fuis, mon ami, fuis avant qu’il ne soit trop tard. Je saurai bien trouver un moment pour calmer les suppliques de ton épouse et l’honorer comme elle le mérite !
    — Non point, mon bon chevalier (un autre que lui aurait tenu de tels propos, et j’aurais desforé l’épée sur le champ pour la lui passer en travers du corps), n’ayez crainte ! Tous mes membres conservent la fraîcheur vigoureuse de la jeunesse, mais Marguerite et moi, voyez-vous, nous… nous rions trop à gueule bec pour… »
    — Par Saint-Michel, Dieu en soit loué ! Ce soir, tu pourras enfin dépuceler ta petite sauvageonne énamourée qui ne demande qu’à être déflorée par un outil bien membré : Honorine est retenue avec d’autres filles au service des cuisines pour les trois nuits qui viennent ; elles doivent y préparer pâtés et pastissons, salaisons et fromages, saigner le cochon, boyauter, tordre boudins, saucisses et fumer je ne sais quoi d’autre encore…
    — Je comprends mieux à présent que vous ayez hâte d’en découdre avec les Godons, si vous ne pouvez plus épuiser vos forces à biscotter et à fotre la nuit durant… », insinuai-je en plissant les yeux et en espinchant sa réaction d’un air un peu chatemite.
    Il ne fut pas dupe. Pour toute réponse, Guillaume de Lebestourac toussit avant d’éclater de ce rire fort et gras dont lui seul avait le secret et me montra du doigt quelque chose dans les sous-bois, à l’ouest de notre position.

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