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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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qu’aucun acte de guerre, aucune chevauchée, aucun pillage ne sauraient être exercés à l’encontre de l’un ou l’autre des partis en présence sur le territoire qui relève de l’autorité des barons de Beynac et ce, pour une durée de trois ans. Voulez-vous en prendre connaissance ? » me demanda Henri de Lancastre en claquant de ses doigts dégantés en direction d’un des chevaliers de sa suite.
    Avant de lui tendre le document qu’il réclamait, ce dernier lui posa une question en des termes qui m’étaient étrangers. Le comte de Derby lui répondit :
    « Where there is a will, there is a way, and I will have my way {14}  » L’autre renchérit :
    « We shall overcome ! {15}  » Cet échange de mots en leur langue anglaise m’escagassa.
     « Que ce projet de trêve soit remis au ci-devant chevalier Foulques de Montfort : il agit à titre jurable et rendable en sa qualité de maître de la baronnie depuis le décès de messire Fulbert Pons de Beynac, précisai-je sèchement.
    — Que nenni, prenez-en connaissance, messire Bertrand, et dites-moi s’il convient d’y porter mon seing et mon sceau », m’intima le chevalier de Montfort. Je lui lançai un regard suspicieux, persuadé qu’il entendait ainsi se défausser sur moi de la responsabilité qui pourrait découler d’une interprétation trop hâtive du traité.
     
    Je déroulai le rouleau de parchemin fraîchement gratté à plusieurs reprises, m’étonnai de la qualité de l’encre à base de galles de chêne utilisée par ces temps de misère et en fis la lecture à haute voix.
    Tous les termes étaient recevables. Tous, sauf un : il était hors de question que je livrasse le chevalier Géraud de Castelnau d’Auzan en échange d’une centaine d’écus d’or. Non seulement j’espérais obtenir une rançon de plus du sextuple, mais surtout j’entendais bien lui faire baver les quelques aveux que la précipitation des événements ne m’avait pas permis de lui extorquer plus tôt. Je le déclarai tout de gob au lieutenant général du roi d’Angleterre.
    À la surprise de tous, Dame Éléonore se leva brusquement de son faudesteuil. Le siège grinça, vacilla, mais ne se renversa point. Me dardant de ses yeux mordorés, elle m’intima :
    « Messire de Born, vous n’avez aucun droit à refuser si belle rançon ! En vertu de quelle arrogance, qui plus est ?
    — Ma Dame, en ces affaires, les femelles de quelque cuisse dont elles sont issues, fussent-elles de Jupiter, n’ont point droit à la parole ! glapis-je fort maladroitement en lui tournant le dos. C’est peut-être regrettable , mais c’est ainsi ! Le chevalier de Montfort penserait-il autrement ? » m’enquis-je aussitôt, à rebelute.
    Pris sans vert, il m’approuva du chef et nous invita à nous apazimer d’un geste de la main. La baronne se rassit. Je la toisai de haut. Ses joues virèrent à l’écarlate. Le blanc du fard que sa tristounette servante Annette lui avait passé sur le visage ne masqua pas sa colère. Elle s’accoisa, mais ses prunelles décochèrent des viretons enflammés, tandis que sa poitrine se soulevait et se baissai ! telle une vieille vache sur le point de mettre bas. Une petite voix intérieure me rappela cependant que les vaches les plus vieilles n’avaient guère plus de vingt ans…
    Marguerite, mon épouse, et la baronne de Beynac nous prièrent de les excuser et se retirèrent dès qu’elles comprirent que leur présence n’était plus souhaitée. Elles attendraient que l’on corne le souper pour nous rejoindre, si toutefois elles y étaient conviées, ne put s’empêcher d’ajouter la baronne en me foudroyant du regard.
     
    Les débats reprirent entre hommes de guerre. Le vin déliait peu à peu les langues et amollissait les esprits.
    Avant qu’ils ne s’échauffassent par trop, il était temps de débattre des rançons.
    Je demandai douze mil écus d’or ou leur poids en sterlin pour la libération de nos prisonniers. Henri de Lancastre et Franck de la Halle s’esbouffèrent à gueule bec. Mais ils rirent jaune. Ils me proposèrent le quart et la levée du siège. Je rappelai que nous avions donné notre accord mutuel sur la levée du siège et la période de trêve, et qu’il ne saurait être question d’y revenir sauf à commettre acte de félonie à la parole donnée. La partie adverse tenta de tergiverser, prétextant que les montants et les modalités du paiement des rançons formaient un

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