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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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long. »
    Les servants s’exécutèrent sans piper mot sous l’œil vigilant de maître Jean. De temps à autre, il jonglait avec des tablettes sur lesquelles étaient gravés des courbes, des degrés d’angle et bien d’autres signes cabalistiques.
    L’homme n’était pas que maître ès tonnoires, il était aussi fort savant. Et poète. Il fredonnait :
     
    Dergon suis , serpent venimeux ,
    Désirant par coups furieux
    Ennemis de nous esloigner.
    Jehan Le Noir, maistre canonnier,
    Et Conrad , Coin, Cradinteur,
    Eux ensemble maistres fondeurs,
    Me firent par terme prefix
    Mil IIII septante six.
     
    Un autre coup de canon pulvérisa les hourds d’où jaillirent de multiples fragments de bois disloqués et ébrécha l’encadrement de la poterne.
    À raison de cinq ou six salves à l’heure, ce qui avait été une massive porte de chêne bardée de gros clous de girofles ne fut bientôt plus qu’un magma informe de fers tordus, d’échardes. Un dernier coup au but l’explosa tout de gob.
    « Ah, la brave bête ! Elle n’a pas eu à faire les quatre cents coups pour desrocher la porte ! » jubila le maître des tonnoires.
    Dès que Marguerite agita un linge rouge, la canonnade cessa et nos gens d’armes s’engouffrèrent dans le passage. Mais rien n’était encore acquis. Que pouvaient-ils tenter contre une garnison qui comptait encore une bonne soixantaine d’hommes, solidement retranchés dans les méandres de cette forteresse ?
     
    J’avais rejoint avec mes écuyers les troupes qui avaient pris position face à la barbacane commandant l’accès au donjon, à l’ouest. Au moment où l’assaut risquait de basculer du mauvais côté, le chevalier Géraud de Castelnaud d’Auzan tint parole.
    Il releva la herse, ouvrit la porte à deux battants et nous permit d’investir le donjon par le bas, cette fois, dès que nous eûmes réussi à franchir le pont-levis en fort mauvais état.
    Lancés au galop pour sauter les obstacles au risque de nous rompre le col et de crever nos montures, la plupart d’entre nous réussirent à pénétrer dans le poste de garde, épée desforée, sans trop de casse. Les moins heureux churent dans le fossé. On eut à déplorer quatre morts et dix blessés graves.
    Trois cents gens de pied escaladèrent péniblement les obstacles et nous rejoignirent dans la grand’salle du donjon après en avoir massacré les derniers défenseurs.
    Un curé sonnait none à la chapelle du village. En moins de douze heures, trois de nuit et neuf de jour, nous avions investi la place et pris possession de l’arrogant donjon de l’un de mes pires ennemis.
    « Isabeau ! Isabeau, ma gente fée aux alumelles ! Nous sommes venus te déférer des chaînes de ton infâme bourreau ! » Infââââme bourrrreau ! Infââââme bourrrreau ! Les voûtes en répercutèrent l’écho autant de fois qu’il y avait d’ogives et d’arcs-boutants dans la salle des Gardes.
    Dans un coin de la Grand’salle éclairée par de nombreuses torchères qui puaient le suif, le ci-devant sire de Castelnaud de Beynac, un long coutelas sous la gorge, entre le menton et le gorgerin de mailles, était plus blême qu’un navet blanchi dans la marmite du cantou. Un coutelas tenu d’une main qui ne tremblait pas. La main de celle qui était la fleur de ma vie, Marguerite.
    « Or donc, vous voici rendu à merci, messire Gaillard ! tonnai-je.
    — Je le crains. Mais votre Graal, votre précieuse et dévergognée sœur ne se trouve plus en notre château. Vous pouvez hucher à oreilles étourdies, fouiller toutes les pièces dans leurs moindres recoins et saccager tous les meubles, vous ne mettrez point la main dessus, cracha-t-il, en le morgant de haut.
    « Elle a été dérobée à ma vigilance et conduite sous bonne escorte vers la forteresse d’un lointain seigneur, il y a plus de trois semaines !
    « Son nom ! hurlai-je, son nom, ou je vous occis !
    — Un puissant seigneur, dont je jure sur la Croix ignorer le nom, répondit-il d’une voix moins assurée, avant de ricaner et de surenchérir :
    « Aurait-elle été plus docile que j’aurais mieux veillé sur sa blonde personne pour la fotre jusqu’aux coillons ! »
    Une phrase de trop.
    « Menteur ! Vous n’êtes qu’un fieffé menteur et un parjure ! »
     
    Je me jetai sur lui, les mains ouvertes, les doigts écartés, fol de rage.
    Je le saisis à la gorge, sous le regard effrayé de Marguerite. Elle trébucha et recula de

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