Le Troisième Reich, T1
l'appelaient dans les années 20, pourrait bien prendre le pouvoir en
Allemagne commençait en effet à faire du chemin dans les milieux allemands
après la sensationnelle victoire nazie aux élections de septembre 1930.
En 1931, comme Walther Funk le déclara au procès de Nuremberg, «
mes amis industriels et moi-même étions convaincus que le Parti nazi
parviendrait au pouvoir dans un avenir assez proche »,
Dans l'été de cette année-là, Funk, un petit homme gras et
ventripotent au regard fuyant, dont le visage a toujours évoqué pour l'auteur
de ce livre la tête d'une grenouille, renonça à un poste lucratif de rédacteur
en chef d'un grand quotidien financier allemand, le Berliner Bœrsenzeitung, s'inscrivit au Parti nazi et assura le contact entre le parti et un certain
nombre d'importants hommes d'affaires. Il expliqua à Nuremberg que plusieurs de
ses amis industriels, surtout ceux qui avaient de gros intérêts dans les mines
de Rhénanie, l'avaient prié de s'inscrire au Mouvement nazi, « afin de
persuader le parti de suivre une politique d'entreprise privée ».
A cette époque, la direction du parti avait, en matière
d'économie politique, des opinions aussi confuses que contradictoires. Je
m'efforçais d'accomplir ma mission en expliquant personnellement au Führer et
au parti que l'initiative privée, l'indépendance de l'homme d'affaires, les
facultés créatrices de la libre entreprise, etc., devaient être reconnues comme
la politique économique fondamentale du parti. Le Führer, pour sa part, déclara
maintes fois, au cours de conversations avec moi et avec de grands industriels
auxquels je l'avais présenté, qu'il était ennemi d'une économie d'État et d'une
soi-disant « économie planifiée » et qu'il considérait la libre entreprise et
la concurrence comme absolument nécessaires afin de parvenir au plus haut
niveau de production possible (13).
Hitler, comme son futur président de la Reichsbank et ministre de l'économie l'explique, commençait alors à rencontrer les
hommes qui en Allemagne détenaient l'argent et il leur tenait à peu près le genre
de propos qu'ils avaient envie d'entendre. Le parti avait besoin de grosses
sommes pour financer ses campagnes électorales, pour assurer son intense
propagande, pour payer les centaines de dirigeants employés à plein temps et
pour entretenir les armées privées des S.A. et des S.S. qui, à la fin de 1930,
comptaient plus de cent mille hommes, soit plus que la Reichswehr. Les hommes d'affaires et les banquiers ne constituaient pas les seules
sources de revenus — le parti prélevait des sommes importantes des cotisations,
des dons, des collectes et de la vente des journaux, des livres et des
périodiques du parti — mais c'étaient quand même les sources les plus
importantes. Et plus ils donnaient d'argent aux nazis, moins ils en auraient
pour les autres partis conservateurs qu'ils avaient soutenus jusqu'alors.
« Dans l'été de 1931, rapporte Otto Dietrich, le
chargé de presse d'Hitler d'abord pour le parti, et plus tard pour le Reich, le Führer décida soudain de
s'attacher systématiquement à cultiver les grands magnats de l'industrie (14).
»
Qui étaient ces magnats?
Leur identité était un secret qui n'était connu que de
l'entourage immédiat du chef. Le parti devait jouer sur les deux tableaux. Il
lui fallait laisser Strasser, Gœbbels et cet illuminé de Feder séduire les
masses en proclamant que les nationaux-socialistes étaient d'authentiques «
socialistes » hostiles aux barons de la Finance. D'un autre côté, il fallait
bien soutirer l'argent dont le parti avait besoin à ceux qui n'en manquaient
pas. Durant toute la seconde moitié de 1931, raconte Dietrich, Hitler «
traversa l'Allemagne de bout en bout, pour avoir des entretiens particuliers
avec les principales personnalités du monde des affaires ». Si confidentiels
étaient certains de ces entretiens qu'ils devaient avoir lieu « dans le fond de
quelque forêt. Le secret, explique Dietrich, était absolument nécessaire; la
presse ne devait avoir aucune possibilité d'intervenir. C'était la condition du
succès ».
La politique nazie décrivait donc un zigzag qui frisait le
comique. A l'automne 1930, Strasser, Feder et Frick déposèrent au Reichstag, au
nom du Parti nazi, un projet de loi réclamant un plafond de 4 p, 100 sur tous
les taux d'intérêt, l'expropriation des holdings, des « magnats de la banque et
de la finance » et de
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