Le Troisième Reich, T1
celui d’un phtisique, un regard curieusement clair,
des yeux brillants (24).
Le professeur Eduard Huemer (c’est sans doute lui qu’Hitler
estimait « atteint d’idiotie congénitale », comme nous l’avons vu
plus haut ; il enseignait en effet le français) se rendit à Munich a 1923
pour témoigner au procès de son ancien élève, accusé de trahison à la suite du
putsch de la brasserie de Munich. Tout en approuvant les desseins d’Hitler et
en déclarant qu’il souhaitait de tout son cœur le voir réaliser son idéal, il
esquissa en ces termes le portrait de l’ex-collégien :
Hitler était certainement doué, pour certains sujets
seulement, d’ailleurs ; mais il manquait de maîtrise sur soi-même ; on
le considérait comme discuteur, autoritaire, têtu, maussade, incapable de se
plier à la discipline scolaire. De plus, il n’était pas appliqué, si bien qu’il
n’obtint pas les bons résultats que lui auraient valus ses dons naturels (25).
Toutefois, l’un des maîtres du collège de Linz exerça une forte
influence sur la jeunesse d’Adolf Hitler et même sur sa destinée ; c’était
le docteur [4] Leopold Pœtsch, professeur d’histoire, originaire de la région méridionale qui
borde la frontière avec les Slaves du Sud ; ce qu’il y avait vu des conflits
raciaux avait fait de lui un nationaliste allemand fanatique. Avant de venir à
Linz, il enseigna à Marburg, ville qui devint Maribor lorsque le district fut
attribué à la Yougoslavie après la première guerre mondiale.
Quoique le docteur Pœtsch n’eût donné à son élève que des « passable »,
il fut le seul des maîtres d’Hitler à être l’objet d’un éloge chaleureux dans Mein
Kampf , où l’auteur reconnaît spontanément sa dette :
Peut-être fut-il décisif pour tout le reste de mon
existence que la bonne fortune m’ait donné un professeur d’histoire comprenant,
chose rare, le principe… de retenir l’essentiel et d’oublier le secondaire… Chez
mon maître, le docteur Leopold Pœtsch, du collège de Linz, cette qualité se
trouvait présente de façon véritablement idéale. Agé, mais ferme autant que
bienveillant, il savait, non seulement captiver notre attention par sa
brillante éloquence, mais aussi nous entraîner à sa suite. Aujourd’hui encore, je
pense avec une émotion sincère à cet homme aux cheveux gris ; son verbe
enflammé nous faisait parfois oublier le présent, car il nous transportait dans
le passé comme par magie et, au-delà des brouillards millénaires de la durée, il
changeait en réalité vivante la sécheresse des faits historiques. Nous l’écoutions
souvent dans l’enthousiasme ; il arrivait même que nous fussions émus
jusqu’aux larmes… Il utilisait notre fanatisme patriotique naissant comme l’outil
de son enseignement et, plus d’une fois, il fit appel à notre sens de l’honneur
national.
Grâce à lui, l’histoire devint mon étude préférée.
Et, en fait, quoiqu’il n’eût pas semblable intention, c’est
alors que je devins un jeune révolutionnaire (26).
Quelque trente-cinq ans plus tard, en 1938, parcourant
triomphalement l’Autriche après avoir imposé son annexion par le Troisième
Reich, le chancelier Hitler fit halte à Klagenfurt pour aller rendre visite à
son vieux maître, alors à la retraite. Il fut enchanté d’apprendre que celui-ci
avait appartenu aux S. S. nazis clandestins, mis hors la loi pendant la période
indépendante du pays. Il s’entretint seul à seul avec lui une heure durant, et
il confia ultérieurement à des membres de son parti : « Vous ne
pouvez pas imaginer combien je dois à ce vieil homme (27). »
Aloïs Hitler mourut d’une hémorragie pulmonaire le 3 janvier
1903, à soixante-cinq ans. Elle se déclara au cours d’une promenade matinale, et
il rendit le dernier soupir quelques moments plus tard, dans une auberge proche,
entre les bras d’un voisin. Quand son fils, qui avait alors treize ans, vit le
corps, il fondit en larmes (28).
La veuve, âgée de quarante-deux ans, s’installa dans un modeste
logement à Urfahr, faubourg de Linz, où elle essaya de subsister avec ses deux
enfants, Adolf et Paula, au moyen des petites économies et de la faible pension
dont elle héritait. Comme Hitler l’indique dans Mein Kampf , elle s’estimait
tenue de continuer à assurer son éducation conformément aux désirs du défunt,
« en d’autres termes, à me faire étudier en vue d’une
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