Le Troisième Reich, T1
carrière de
fonctionnaire ». Mais, quoique la jeune femme fût indulgente pour son fils,
qui d’ailleurs semble l’avoir chérie, il était « plus que jamais
absolument déterminé à ne pas s’incliner ». Ainsi, malgré la tendre
affection qui les unissait, il y eut désaccord entre eux, et Adolf continua de
négliger ses études.
« Soudain, la maladie vint à mon aide et, en quelque
jours, décida de mon avenir et trancha l’incessante querelle familiale (29). »
Cette longue maladie, dont Hitler souffrit quand il allait avoir
seize ans, exigea son absence du collège pendant une année au moins. Il fut
donc envoyé pour quelque temps au village de Spita où il se rétablit chez la
sœur de sa mère, une paysanne nommé Theresa Schmidt. Une fois guéri, il revint
pour un bref séjour au collège de Steyr. Les dernières notes qu’il y reçut le
montrent « passable » en allemand, chimie, physique, géométrie et
dessin géométrique ; « satisfaisant » en géographie et en
histoire ; « excellent » en dessin à main levée d’après nature. La
perspective d’être enfin et définitivement délivré de l’école le surexcita au
point que pour la première et la dernière fois de sa vie, il s’enivra. Selon se
souvenirs ultérieurs, il fut ramassé le lendemain au petit matin couché sur une
route de campagne près de Steyr, par une laitière qui l’aida à regagner la
ville, et il jura de ne jamais recommencer [5] .
A cet égard du moins, il tint parole, car il renonça complètement à l’alcool
sous toutes ses formes, ainsi qu’au tabac. En outre, devint végétarien, d’abord
par une nécessité qui s’imposait au vagabond sans le sou qu’il fut à Vienne et
à Munich, et ensuite par conviction sincère.
Pour les deux ou trois années qui suivirent, Hitler les a
souvent décrites comme les plus heureuses de sa vie [6] .
Tandis que sa mère lui conseillait et que d’autres membres de sa famille le
sommaient de se mettre au travail et d’apprendre un métier, il se contentait de
rêver à l’avenir d’artiste sur lequel il comptait et de passer agréablement les
journées en flânant le long du Danube.
Il n’oublia jamais la « moelleuse douceur » qui fut
celle de sa vie entre seize et dix-neuf ans, quand il était « le chéri de
sa mère » et qu’il goûtait « l’oisiveté d’une existence confortable (30) ».
Bien que la veuve, dont la santé déclinait, eût de la peine à boucler son
maigre budget, le jeune Adolf refusait de l’aider en prenant un emploi. L’idée
même de gagner sa propre vie au moyen d’un travail régulier lui répugnait, et
il en fut ainsi jusqu’à la fin.
Ce qui probablement rendit si heureuse pour Hitler cette période
où il allait atteindre l’âge d’homme, c’est que son refus de tout travail lui
valait mille rêveries, mille spéculations, tant de journées passées à parcourir
les rues de la ville ou les routes campagnardes, en exposant à son compagnon ce
qu’il trouvait de défectueux dans le monde et comment il en voyait le
redressement, et aussi tant de soirées passées à lire ou à écouter, debout, envoûté,
les œuvres mystico-païennes de Richard Wagner à l’Opéra de Linz ou de Vienne.
Un ami qu’il eut en ces moments-là se rappelle le garçon qu’il
était alors : pâle, maladif, maigre, généralement timide et réservé, mais
capable de soudains accès de colère nerveuse envers ses contradicteurs. Pendant
quatre ans, il se crut profondément amoureux d’une jolie jeune fille blonde
nommée Stefanie. Bien qu’il la regardât d’un œil langoureux suivre la
Landstrasse de Linz en compagnie de sa mère, il ne fit jamais le moindre effort
pour la connaître davantage et préféra ranger son image parmi beaucoup d’autres
désirs dans les sombres arcanes de ses phantasmes. Dans les innombrables poèmes
sentimentaux qu’il écrivit pour elle sans les lui faire parvenir (l’un d’eux
était intitulé Hymne à la bien-aimée ) et qu’il tenait absolument à lire
à son ami, le jeune et patient August Kubizek [7] ,
elle devenait une vierge de La Walkyrie vêtue d’une robe flottante de
velours bleu et montée sur un coursier blanc caracolant dans un pré fleuri (31).
Quoique Hitler eût décidé de devenir artiste, peintre de
préférence, architecte au besoin, il fut obsédé par la politique dès l’âge de
seize ans. Il avait déjà une haine violente pour la monarchie de Habsbourg
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