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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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n’avait jamais cherché à mériter
le moindre salaire. Mais il ne doutait de rien. Prenant congé de siens, il leur
déclara qu’il ne reviendrait parmi eux qu’après avoir réussi.
     
    Portant une valise pleine de vêtements et de linge, une
indomptable volonté dans le cœur, je partis pour Vienne. Moi aussi, j’espérais
arracher au destin ce que mon père avait obtenu de lui cinquante ans auparavant ;
moi aussi, j’espérais devenir « quelque chose » ; mais en tout
cas jamais un fonctionnaire (37).

LA PLUS TRISTE PERIODE
DE MA VIE ;
    Les quatre années suivantes, de 1909 à 1913, marquèrent pour le
jeune conquérant débarqué de Linz une époque de lamentable misère. Durant ces
derniers jours fugaces qui précédèrent la chute des Habsbourg et la fin de
Vienne en tant que capitale d’un empire de cinquante-deux millions de sujets en
plein cœur de l’Europe, la vieille cité possédait un charme et une gaieté qui
la rendaient unique parmi les autres grandes villes du monde entier. Ce n’est
pas seulement à cause de son architecture, de sa sculpture, de sa musique, mais
aussi à cause de l’esprit cultivé et allègre et du goût pour le plaisir de ses
habitants, qu’émanait d’elle une atmosphère de baroque et de rococo inconnue
des autres métropoles occidentale !
    Situé le long du « beau Danube bleu », sous les
collines boisée du Wienerwald que parsemaient des vignes jaunes et vertes, le
lieu possédait une beauté naturelle qui enchantait ses visiteurs et persuadait
les Viennois que la Providence leur avait, plus qu’à tous autres, réservé ses
bienfaits. L’air y était chargé de musique, cette musique sublime écrite par
les plus grands compositeurs d’Europe. Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert et, dans
ces dernières année qui furent dorées comme un été de la Saint-Martin, les airs
à la fois gais et obsédants de son fils bien-aimé, Johann Strauss. Cette
population si comblée, si imprégnée de son style de vie baroque prenait le
monde et l’existence comme une sorte de rêve heureux passant ses jours et ses
nuits à valser, à boire le bon vin de ses coteaux, à échanger dans les cafés ou
les brasseries des propos sans contrainte, à suivre les illusions que lui
prodiguaient le théâtre et l’opéra, à flirter, à aimer même, à faire en somme
une part très large au plaisir et aux conceptions créatrices de joie.
    Sans doute, il fallait aussi gouverner l’empire, instruire l’armée,
faire manœuvrer la flotte, assurer les communications, activer le commerce, se
livrer au travail ; mais rares étaient les Viennois qui y consacraient des
heures supplémentaires – ou même des heures normales.
    La médaille avait son revers. La ville, comme les autres, avait
ses pauvres, mal nourris, mal vêtus, vivant dans des bouges. Mais, premier
centre industriel de l’Europe centrale autant que capitale, Vienne jouissait d’une
prospérité qui se répandait parmi ses habitants et jusqu’aux classes populaires.
Politiquement, la masse de la petite bourgeoisie prédominait. La main-d’œuvre
ouvrière, non seulement s’organisait en syndicats, mais encore édifiait son
propre parti, celui des sociaux-démocrates. Un ferment se manifestait dans la
vie de la cité qui comptait deux millions d’âmes. Peu à peu, la démocratie
imposait sa force à l’autocratie séculaire des Habsbourg. L’instruction
permettait au peuple de participer au mouvement d’évolution, en sorte que
lorsqu’Hitler vint à Vienne en 1909, même un jeune homme sans ressources
pouvait ou bien acquérir des connaissances solides, ou bien gagner un salaire
convenable ; c’est-à-dire, comme un million d’autres travailleurs, vivre
dans le climat civilisateur que la capitale répandait sur ses habitants. Son
seul ami, Kubizek, aussi pauvre et aussi obscur que lui, ne se faisait-il pas
déjà un nom à l’Académie de Musique ?
    Cependant, Adolf ne persista pas dans son ambition d’entrer à l’École
d’Architecture. Elle lui restait ouverte, bien qu’il n’eût pas de diplôme, car
on n’en exigeait point des garçons qui montraient « un talent au-dessus de
la moyenne » ; mais, pour autant qu’on sache, il ne présenta jamais
de demande. Il ne chercha pas davantage à apprendre un métier, ni à postuler
aucun emploi régulier. Il préféra s’occuper à des tâches diverses : pelleter
la neige, battre des tapis, porter les bagages aux alentours de la gare de

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