Le Troisième Reich, T1
les utiliser pour l'instant s'ils
l'aidaient à saper le régime de Weimar et mettaient à sa
disposition, comme ce fut le cas, de nouvelles ressources financières. Mais,
par contre, il ne se laisserait pas utiliser par eux. Au bout de quelques
jours, le Front de Harzburg menaçait de s'effondrer : les
divers éléments qui le constituaient étaient de nouveau à couteaux tirés.
Sauf sur un point. Aussi bien Hugenberg qu'Hitler refusèrent
d'accepter la proposition faite par Brüning de prolonger
le mandat de Hindenburg. Au début de 1932, le chancelier renouvela ses efforts
pour les faire changer d'avis. Non sans difficultés, il avait obtenu l'accord
du président pour demeurer à son poste si le parlement prolongeait son mandat
et lui évitait ainsi d'affronter les difficultés d'une âpre campagne électorale. Brüning invita alors Hitler à venir à Berlin pour de
nouvelles discussions. Le télégramme arriva pendant que le Führer était en conférence avec Hess et Rosenberg dans les bureaux de la rédaction du Völkischer Beobachter, à Munich. Leur lançant le télégramme au visage, Hitler s'écria : «
Maintenant, je les ai dans ma poche! Ils m'ont reconnu comme partenaire à leurs
négociations (1). »
Le 7 janvier, Hitler rencontra Brüning et Schleicher, et il y eut une nouvelle entrevue le 10 janvier. Brüning renouvela sa proposition que le Parti nazi acceptât de
prolonger le mandat de Hindenburg. Dans ce cas, et dès qu'il aurait réglé le
problème de l'annulation des réparations et de l'égalité des armements,
lui-même donnerait sa démission. D'après certaines sources — mais c'est là un
point sujet à controverses — Brüning brandissait un nouvel
appât : il proposait de suggérer au président le nom d'Hitler pour lui succéder
(2).
Hitler ne donna pas immédiatement de réponse définitive. Il se
retira au Kaiserhof Hotel et prit l'avis de ses
conseillers. Gregor Strasser était d'avis d'accepter le
plan de Brüning, arguant que, si les nazis imposaient une
élection, Hindenburg l'emporterait. Goebbels et Rœhm
étaient d'avis de refuser catégoriquement. Dans son journal, à la date du 7
janvier, Gœbbels écrivit : « Le problème, ce n'est pas la présidence. Brüning veut simplement renforcer indéfiniment sa position... la
partie d'échecs pour le pouvoir commence... le principal est de rester fort et
de ne pas accepter de compromis. » La veille au soir, il avait écrit : « Il y a
un homme dans l'organisation auquel personne ne se fie... c'est Gregor
Strasser (3) . »
Hitler lui-même ne voyait aucune raison de renforcer la position
de Brüning et d'accorder ainsi un nouveau sursis à la République.
Mais, contrairement à Muertenberg qui repoussa avec obstination le plan le 12
janvier, Hitler fut plus subtil. Il répondit non pas au chancelier, mais
par-dessus sa tête au président, déclarant qu'il considérait la proposition de Brüning comme anticonstitutionnelle, mais qu'il soutiendrait la
réélection de Hindenburg si le maréchal repoussait le plan de Brüning. A Otto von Meissner, l'astucieux secrétaire d'État
à la Chancellerie présidentielle, qui avait servi avec zèle à ce poste d'abord
le socialiste Ebert, puis le conservateur Hindenburg, et qui commençait à
songer à un troisième mandat à ce poste avec qui serait président — peut-être
même Hitler ? — le chef nazi, lors d'un entretien secret au Kaiserhof, offrit
de soutenir Hindenburg aux élections s'il commençait par se débarrasser de Brüning, pour nommer ensuite un gouvernement « national » et
décréter de nouvelles élections au Reichstag et à la Diète
prussienne.
Hindenburg refusa de donner son accord. Piqué par le refus des
nazis et des nationalistes, ceux-ci étant censés être ses amis et ses
supporters, de lui épargner l'épreuve d'une bataille électorale, Hindenburg
accepta de poser de nouveau sa candidature. Mais, à son ressentiment contre les
partis nationalistes, s'ajouta une curieuse rancœur contre Brüning, qui, estimait-il, avait fort mal mené les négociations et qui le
contraignait maintenant à une âpre lutte avec les forces nationalistes mêmes
qui l'avaient élu président en 1925 contre les candidats libéraux-marxistes. Il
ne pouvait l'emporter maintenant qu'avec l'appui des socialistes et des
syndicats, pour lesquels il avait toujours professé le plus flagrant mépris.
Une certaine froideur marqua ses rapports avec son chancelier, « le
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