Le Troisième Reich, T1
Les
condottieri du corps franc, y compris les membres de la brigade Ehrhardt, trouvèrent
dans la ville refuge et bon accueil. Le général Ludendorff s’y établit avec une
foule d’autres officiers mis en disponibilité et mécontents [16]
On y fomenta des assassinats politiques tels que ceux de
Matthias Erzberger, catholique et homme politique d’opinions modérées, qui eut
le courage de signer l’armistice alors que les généraux se dérobaient, et de
Walther Rathenau, ministre des Affaires étrangères brillant et cultivé, haï des
extrémistes parc qu’il était Juif et parce qu’il se conformait à la politique
du gouvernement national en essayant de remplir au moins quelques-unes des
obligations du traité de Versailles. C’est ainsi, sur ce terrain favorable de
Munich, qu’Hitler pu prendre le départ pour son destin.
Quand il revint à Munich à la fin novembre 1918, il trouva son
bataillon livré aux mains des « conseils de soldats ». Il en éprouva
un tel dégoût, dit-il, qu’il décida « sur-le-champ de s’en aller le plus
tôt possible ». Il passa l’hiver à assurer un service de garde dans un
camp de prisonniers de guerre, à Traunstein, près de la frontière autrichienne,
et regagna Munich au printemps. Il rapporte dans Mein Kampf qu’il s’attira
la « désapprobation » du gouvernement de gauche et prétend qu’il n’évita
l’arrestation qu’en braquant sa carabine sur trois « scélérats »
venus dans cette intention. Dès le renversement du régime communiste, Hitler
entreprit ce qu’il appelle sa « première activité plus ou moins politique ».
Elle consistait à fournir des renseignements à la commission d’enquête
instituée par le 2erégiment d’infanterie afin d’établir les responsabilités
des hommes ayant participé au bref régime soviétique de Munich. Les services qu’Hitler
rendit en cette occasion furent sans doute considérés comme satisfaisants, car
on continuait de l’employer. On lui donna un poste au Bureau de la presse et
des nouvelles, qui faisait partie du Département politique de la région
militaire. L’armée allemande, reniant ses traditions, s’occupait maintenant
activement de politique, surtout en Bavière, où elle avait fini par instaurer
un gouvernement à sa convenance.
Afin de propager ses principes conservateurs, elle faisait
suivre aux soldats des cours d’instruction politique, où Hitler se montra élève
attentif. Un jour, du moins d’après lui il intervint au cours d’une conférence
pour protester contre une remarque en faveur des Juifs. Sa harangue
antisémitique dut plaire fort à ses supérieurs, car il fut bientôt nommé Bildungsoffizier (officier instructeur) auprès d’un régiment de Munich. Sa tâche consistait à
combattre les idées « dangereuses » : pacifisme, socialisme, démocratie.
C’est ainsi que l’armée concevait son rôle dans la République qu’elle était
censée servir.
Hitler franchit ainsi un pas important ; ce fut aussi le
premier encouragement reçu dans le domaine de cette politique où il essayait de
s’introduire. Avant tout, c’était la possibilité de mettre à l’épreuve ses dons
d’orateur, condition essentielle, comme il l’avait toujours soutenu, à la
réussite d’un politicien. « Du jour au lendemain, écrit-il, on m’offrit l’occasion
tant désirée de m’adresser à un public relativement nombreux. Alors, un fait
que j’avais toujours pressenti, mais seulement par intuition, se trouva
confirmé : je savais (parler) ». Constatation qui, sans trop l’étonner,
l’enchantait littéralement : il avait craint que les gaz respirés sur le
front n’eussent affaibli sa voix. Or, il se rendait compte, à présent, qu’il
était suffisamment rétabli pour se faire entendre « tout au moins dans
tous les coins de nos petites chambrées d’escouade (8) ». Telles furent
donc les premières manifestations d’un talent qui allait faire de lui l’orateur
le plus irrésistible d’Allemagne, à telle enseigne qu’à la radio sa voix eut le
pouvoir quasi magique d’entraîner les auditeurs par millions.
En septembre 1919, le Département politique de l’armée le chargea
d’aller voir de près l’activité d’un groupuscule qui s’intitulait Parti ouvrier
allemand. Les militaires s’inquiétaient toujours des mouvements de travailleurs,
le plus souvent à prédominance socialiste ou communiste ; on pensait
toutefois que
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