Le Troisième Reich, T1
policière, rétablissement de la justice, réduction de moitié des
contributions au parti, plus de construction de palais, mais des logements pour
le peuple, davantage de probité et de simplicité prussiennes.
Beck était trop naïf en matière de
politique pour se rendre compte qu'Hitler plus que tout autre homme au monde
était responsable des conditions de vie imposées à l'Allemagne et qui
maintenant le révoltaient si fort. Cependant, dans l'immédiat, la tâche la plus
urgente, c'était pour lui de harceler Brauchitsch et de vaincre ses hésitations
pour obtenir enfin qu'il présente à Hitler un ultimatum de la part de l'armée
lui demandant d'arrêter ses préparatifs de guerre. Dans cette intention, il
organisa pour le 4 août une rencontre secrète des généraux en chef. Il prépara
un discours retentissant que lirait le commandant en chef de l'armée, où il
demanderait aux généraux de se rallier à lui pour exiger que les nazis
n'entraînent pas l'Allemagne dans des aventures qui aboutiraient à un conflit
armé.
Malheureusement pour Beck, Brauchitsch
n'eut pas le courage d'en donner lecture. Beck dut se
contenter de lire son mémorandum du 16 juillet, qui fit une impression profonde
sur la plupart des généraux. Mais aucune mesure décisive ne fut prise et les «
gros bonnets » de l'armée allemande se séparèrent sans avoir eu l'audace de demander
des comptes à Hitler, comme leurs prédécesseurs en avaient autrefois demandé
aux Hohenzollern et aux chanceliers du Reich.
Brauchitsch rassembla pourtant assez de courage pour montrer à
Hitler le mémorandum de Beck, du 16 juillet. A la suite de
cette communication, Hitler convoqua non pas les généraux de haut rang qui
tentaient de lui résister et qui étaient à l'origine de ce document, mais les
officiers d'un rang immédiatement inférieur, c'est-à-dire les chefs
d'état-major des divers commandements de l'armée et de l'aviation, plus jeunes
et sur qui il pourrait compter, pensait-il, une fois qu'il leur aurait dispensé
les délices de son éloquence persuasive. Convoqués au Berghof le 10 août
(Hitler n'avait pour ainsi dire pas quitté de tout l'été son chalet de
montagne), ils furent régalés après le dîner d'un discours qui, selon Jodl qui
était présent et l'a résumé dans son fidèle journal, dura près de trois heures.
Mais, en l'occurrence, l'éloquence du Führer ne
fut pas aussi convaincante qu'il l'avait espéré. Jodl et Manstein, qui lui
aussi se trouvait là, ont fait état par la suite d'une « très grave et fort
désagréable altercation » entre le général von Wietersheim et
Hitler. Wietersheim était l'officier du plus haut grade
présent à la réunion et, en sa qualité de chef d'état-major désigné de l'armée
de l'ouest, sous le général Wilhelm Adam, il osa aborder
franchement le problème-clef que Hitler et les O.K.W. éludaient et qui était
celui-ci : alors que tous les effectifs militaires seraient engagés contre la
Tchécoslovaquie, l'Allemagne resterait sans défense à l'ouest et serait envahie
par les Français. En fait, déclara-t-il, le mur de l'ouest ne pouvait tenir
plus de trois semaines.
Le Führer, a raconté Jodl dans son journal, devient
furieux; il jette feu et flammes et s'écrie que, si tel était le cas, l'armée
tout entière ne servirait à rien : « Je vous le dis, Herr General, hurla
Hitler, ce n'est pas trois semaines, mais trois ans, que la position sera tenue
(18)!
Avec quelles troupes, il ne le disait pas. Le 4 août, lors de la
réunion des généraux, le général Adam avait précisé qu'à l'ouest il ne
disposerait que de cinq divisions d'activé et qu'elles seraient écrasées par
les Français. Wietersheim fournit sans doute le même
chiffre à Hitler, mais le Führer ne voulut rien entendre. Jodl, pourtant
officier d'état-major et fort perspicace, était maintenant si bien envoûté par
le Führer qu'il quitta la réunion profondément déprimé à
la pensée que les généraux ne semblaient pas comprendre le génie d'Hitler.
Ces vues pessimistes (celles de Wietersheim),
malheureusement fort répandues à l'état-major de l'armée, sont fondées sur
diverses raisons.
D'abord, l'état-major général est obnubilé par des
souvenirs anciens; il se considère comme responsable des décisions politiques
au lieu de se borner à obéir et à s'acquitter de ses attributions militaires.
Sans doute accomplit-il ses obligations avec son dévouement traditionnel,
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