Le Troisième Reich, T1
Keitel, le 21 avril, au cours de laquelle la Wehrmacht avait reçu pour instructions d'accélérer la préparation du plan
d'attaque contre la Tchécoslovaquie et, le 5 mai, il rédigea, à l'intention du
général von Brauchitsch, le nouveau commandant en chef de l'armée, le premier
d'une série de mémorandums, dans lesquels il s'opposait vigoureusement à toute
action de ce genre (17). Ce sont des rapports d'un style brillant, exposant
avec une franchise brutale les faits désagréables, solidement raisonnés et
d'une logique irréfutable. Certes, Beck surestimait la fermeté des intentions
de la Grande-Bretagne et de la France, la finesse politique de leurs
gouvernants et la puissance de l'armée française et, par la suite, les
événements lui donnèrent tort quant à l'issue du problème tchèque; néanmoins,
en ce qui concerne l'Allemagne, ses prédictions se révélèrent tragiquement
exactes.
Beck était convaincu, écrit-il dans son mémorandum du 5 mai,
qu'une attaque allemande contre la Tchécoslovaquie provoquerait une guerre
européenne dans laquelle la Grande-Bretagne, la France et la Russie se
dresseraient contre l'Allemagne et où les États-Unis deviendraient l'arsenal
des démocraties occidentales. L'Allemagne ne pouvait absolument pas gagner la
guerre. Le manque de matières premières suffisait à rendre la victoire
impossible. En fait, affirmait-il, « la situation militaire et économique de
l'Allemagne est pire qu'elle n'était en 17-18 », quand les armées du Kaiser
commencèrent à s'effondrer.
Le 28 mai, Beck était au nombre des généraux convoqués à la
Chancellerie du Reich après la « crise de mai » pour entendre Hitler, déchaîné,
clamer qu'à l'automne il effacerait la Tchécoslovaquie de la carte d'Europe. Il
prit d'abondantes notes pendant la harangue du Führer et quarante-huit heures
plus tard, le jour même où Hitler signait les nouvelles directives pour le cas
vert, fixant la date de l'attaque au 1er octobre, il rédigea, à l'intention de
Brauchitsch, un second mémoire, d'un ton plus vif, dans lequel il critiquait,
point par point, le programme tracé par Hitler. Pour être sûr que son prudent
commandant en chef comprenait bien, Beck lui en fit personnellement la lecture.
Pour finir, il affirma avec force au malheureux Brauchitsch,
esprit quelque peu superficiel, qu'il y avait actuellement « dans la haute
hiérarchie militaire » une crise qui avait conduit à l'anarchie; si elle
n'était pas résolue, le sort de l'armée, et d'ailleurs celui de l'Allemagne,
serait « bien sombre ». Quelques jours plus tard, le 3 juin, Beck adressait
encore à Brauchitsch un mémorandum dans lequel il déclarait que les nouvelles
directives données pour le cas vert contenaient « de graves erreurs du point de
vue militaire » et que l'état-major général se refusait à les appliquer.
Hitler cependant activait la réalisation de ce plan. Le dossier
du cas vert saisi après la guerre montre à quel point sa surexcitation
croissait à mesure que s'avançait l'été. Il ordonna que la date des habituelles
manœuvres d'automne soit avancée, afin que les troupes puissent être fin prêtes
pour l'attaque. Il fit procéder à des exercices spéciaux « pour la prise des
fortifications par attaque brusquée ». Le général Keitel est informé que « le
Führer ne cesse d'insister sur la nécessité d'accélérer les travaux de
fortification à l'ouest ». Le 9 juin, Hitler demande de plus amples
renseignements sur l'armement tchèque et reçoit aussitôt un rapport détaillé
sur toutes les armes, grandes et petites, employées par les Tchèques. Le même
jour, il demande : « Les fortifications tchèques sont-elles encore occupées par
des effectifs réduits? » Dans sa retraite de montagne où il passe l'été,
entouré de ses séides, il connaît des alternatives d'exaltation et de
dépression, tandis qu'il caresse l'idée de la guerre. Le 18 juin, il donne à
l'état-major une nouvelle directive générale pour le cas vert.
« Il n'y a aucun danger de voir éclater une guerre préventive
contre l'Allemagne... Je déciderai de passer à l'action, convaincu... que la
France ne marchera pas et que, par conséquent, l'Angleterre n'interviendra pas.
»
Cependant, le 7 juillet, Hitler rédige les « considérations »
sur ce qu'il conviendrait de faire si la France et la Grande-Bretagne
intervenaient. « Il importe avant tout, dit-il, de tenir les fortifications de
l'Ouest »
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