Le Troisième Reich, T1
1914-1918. Quoiqu'il eût été l'ami de Rœhm à Munich dans les premières
années d'après-guerre, ce qui aurait pu le rendre quelque peu suspect à Berlin,
il avait eu un avancement rapide et, depuis un an, il était l'assistant de
Beck. Ce dernier l'avait d'ailleurs recommandé à Brauchitsch en le désignant
pour son successeur éventuel, tant il était certain que son assistant partageait
ses vues.
Pour la première fois, un Bavarois et un catholique devenait
chef d'état-major de l'armée allemande, grave rupture avec la tradition
protestante et prussienne du corps des officiers. Doué d'une vaste curiosité
intellectuelle, avec un goût particulier pour les mathématiques et la botanique
(la première fois que je le vis, je lui trouvai l'air d'un professeur de
sciences ou de mathématiques dans une université), en même temps que fervent
chrétien, Halder possédait sans aucun doute l'intelligence et le courage
nécessaires pour devenir le digne successeur de Beck. Il s'agissait de savoir
si, comme à son ancien chef, il lui manquerait le don de prendre une décision
au moment opportun et de la mettre à exécution.
Même au cas où il posséderait ce don, aurait-il alors assez de
caractère pour manquer à son serment d'obéissance au Führer et agir résolument
contre lui? Car Halder, comme Beck, bien qu'au début il ne fît pas partie du
complot contre Hitler en voie d'organisation, en connaissait l'existence, et
tout porte à croire qu'il était, également comme Beck, disposé à lui apporter
son appui. En qualité de nouveau chef de l'état-major général, il devenait le
personnage-clef de la première conspiration vraiment sérieuse destinée à
renverser le dictateur du Troisième Reich.
NAISSANCE D’UNE CONSPIRATION
Après cinq ans et demi de régime national socialiste, les rares
Allemands hostiles à Hitler se rendaient bien compte que seule l'armée
possédait la force physique nécessaire pour le renverser. Les ouvriers, la
grande bourgeoisie et les classes moyennes, même s'ils l'avaient voulu,
n'auraient pas eu les moyens de le faire. Ils n'avaient pas d'organisations en
dehors des groupes du Parti nazi et ils étaient, bien entendu, désarmés.
Quoiqu'on ait beaucoup écrit par la suite sur le mouvement de « résistance »
allemand, il demeura, du début à la fin, bien réduit et bien faible; certes, il
était dirigé par une poignée d'hommes honnêtes et courageux, mais il comptait
un très petit nombre de partisans.
Son existence même était précaire, on le conçoit aisément, dans
un régime policier où régnaient la terreur et l'espionnage. De plus, comment un
groupe minuscule — ou même un groupe plus important s'il eût existé —
pouvait-il se révolter et se soulever contre les mitrailleuses, les tanks et
les lance-flammes des S.S. ?
Au début, ce fut parmi les civils qu'on rencontrait les rares
opposants au régime hitlérien. Les généraux, nous l'avons vu, étaient trop
heureux de voir prospérer un système qui avait réduit à néant les restrictions
du Traité de Versailles et leur avait confié la tâche enivrante et
traditionnelle de reconstruire une grande armée. Il est curieux de constater
que les principaux civils qui, par la suite, prirent la tête de l'opposition
avaient commencé par servir le Führer dans des postes importants; la plupart
d'entre eux éprouvèrent d'abord pour le nazisme un enthousiasme qui se
refroidit à partir de 1937, quand ils eurent compris qu'Hitler conduisait
l'Allemagne vers une guerre qu'elle était presque sûre de perdre.
Carl Goerdeler, maire de Leipzig, fut l'un des premiers à voir
clair. Nommé d'abord contrôleur des prix par Brüning, il
avait occupé ce poste pendant trois ans, sous les ordres d'Hitler. Conservateur
et monarchiste de cœur, dévot protestant, adroit, énergique et intelligent,
mais en même temps imprudent et obstiné, il rompit avec les nazis en 1936,
parce qu'il n'approuvait ni les mesures antisémites ni le réarmement à
outrance. Il résigna ses deux postes et désormais travailla de tout son cœur et
de toute son âme à lutter contre Hitler. Son premiér soin fut de se rendre en
1937 en France, en Angleterre et aux États-Unis pour y faire secrètement
connaître le danger que représentait l'Allemagne nazie.
Un peu plus tard, deux autres futurs conspirateurs, Johannes
Popitz, le ministre prussien des Finances, et le docteur Schacht comprirent, à
leur tour, la vérité. Tous deux
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