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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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mais empli d'une extrême satisfaction à
l'idée de voir l'homme qui présidait aux destinées du puissant empire
britannique venir à lui en solliciteur, flatté aussi qu'un vieillard de
soixante-neuf ans, qui n'avait encore jamais pris l'avion, fasse sept longues
heures de vol pour se rendre jusqu'à Berchtesgaden, tout
au bout de l'Allemagne, et il n'eut même pas la politesse de lui proposer un
lieu de rencontre sur le Rhin, ce qui aurait diminué le trajet de moitié. Les
Anglais manifestèrent un grand enthousiasme [115] .
Ils semblaient croire que le Premier Ministre entreprenait ce long voyage pour
faire ce que Mr. Asquith et Sir Edward Grey avaient eu le tort de ne pas faire
en 1914 : avertir l'Allemagne que toute agression contre une petite puissance
provoquerait l'entrée en guerre non seulement de la France, mais de la
Grande-Bretagne.
    Cependant, comme devaient le prouver les documents confidentiels
allemands et la suite des événements, Hitler comprit tout de suite que la
démarche de Chamberlain était pour lui un bienfait du Ciel. Déjà averti par
l'ambassadeur d'Allemagne à Londres que le chef du gouvernement britannique
était prêt à accepter « des propositions allemandes de grande envergure », le Führer supposait que le voyage de Chamberlain lui apportait une
nouvelle fois l'assurance que la Grande-Bretagne et la France
n'interviendraient pas en faveur de la Tchécoslovaquie, comme il en avait
toujours été persuadé. Le Premier Ministre n'était pas auprès de lui depuis une
heure que cette supposition devenait une certitude.
    Au début, il y eut entre les deux hommes une escarmouche
diplomatique, bien qu'Hitler, selon son habitude, tînt presque continuellement
le dé de la conversation (43). Débarqué à l'aéroport de Munich le 15 septembre
à midi, Chamberlain s'était rendu en voiture découverte à la gare, d'où un
train spécial l'amena en trois heures à Berchtesgaden. Il
ne manqua pas de remarquer que, sur la voie opposée, les trains chargés de
troupes et d'artillerie se succédaient sans arrêt. Hitler ne se rendit pas à la
gare, il accueillit son visiteur de marque en haut des marches du Berghof. La
pluie commençait à tomber — le docteur Schmidt, l'interprète
allemand, s'en souvint plus tard — le ciel s'assombrit et les nuages cachaient
les montagnes. Il était maintenant quatre heures de l'après-midi et Chamberlain
voyageait depuis l'aube.
    Après le thé, Hitler et Chamberlain montèrent jusqu'au bureau du Führer, au deuxième étage, la pièce même où le dictateur
avait reçu Schuschnigg sept mois plus tôt. A la requête de l'ambassadeur
Henderson, Ribbentrop fut exclu de la conversation. Le vaniteux ministre des
Affaires étrangères en conçut une si vive irritation que, le lendemain, il
refusa de communiquer au Premier Ministre les notes de Schmidt sur
la conférence — singulier, mais bien caractéristique manque d'égards — de sorte
que, par la suite, Chamberlain dut se fier à sa mémoire pour citer avec
exactitude ses paroles et celles d'Hitler.
    Au début de la conversation, comme il le faisait toujours dans
l'exorde de ses discours, Hitler se lança dans une longue harangue, rappelant
tout ce qu'il avait fait pour le peuple allemand, pour la paix et pour un
rapprochement anglo-allemand. Mais, ajouta-t-il, il y avait désormais un
problème qu'il était décidé à résoudre « d'une manière ou de l'autre » : les 3
millions d'Allemands résidant dans les Sudètes devaient « revenir » au Reich [116] .
    Il tenait beaucoup, lit-on dans le compte rendu officiel de
Schmidt, à ce qu'il ne subsistât aucun doute sur sa ferme résolution de ne pas
tolérer davantage qu'un petit pays d'importance secondaire traitât en inférieur
le puissant et millénaire Reich allemand. Il avait quarante-neuf ans et, s'il
fallait que l'Allemagne fût entraînée dans une guerre mondiale pour la question
tchécoslovaque, il voulait être encore dans la pleine force de l'âge pour
guider son pays à travers cette période critique... Certes, il déplorerait que
ce problème suscitât une guerre mondiale. Pourtant un tel danger ne saurait le
faire hésiter... Pour parvenir à son but, il ferait face à n'importe quelle
guerre, même une guerre mondiale. Le reste de l'univers pouvait faire ce que
bon lui semblait. Pour sa part, il ne céderait pas d'un pouce.
    Chamberlain, qui avait à peine pu placer un mot, était doué
d'une patience à toute épreuve, mais cette

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