Le Troisième Reich, T1
ses
barrières montagneuses et de ses fortifications — et par conséquent réduite à
l'impuissance, — « révisât néanmoins sa politique étrangère, de manière à
donner à ses voisins l'assurance qu'en aucun cas elle ne les attaquerait ou ne
prendrait part contre eux à une action agressive découlant de ses obligations
envers d'autres États ». Il semble incroyable que Runciman, lui-même, ait pu
s'inquiéter en un pareil moment du danger d'une agression perpétrée par un État
tchèque mutilé contre l'Allemagne nazie, mais ses invraisemblables suggestions
firent, semble-t-il, grande impression sur le cabinet britannique et
Chamberlain qui, déjà, inclinait à accepter les exigences d'Hitler n'en fut que
davantage confirmé dans ses intentions [117] .
Le président Daladier et son ministre des Affaires
étrangères, Georges Bonnet, arrivèrent à Londres le 18 septembre pour conférer
avec leurs collègues britanniques. Nul ne songea à demander aux Tchèques de
prendre part aux conversations. Les Britanniques et les Français, désireux
d'éviter la guerre à tout prix, eurent tôt fait de s'accorder sur des
propositions conjointes, que les Tchèques devraient accepter. Tous les
territoires sudètes dans lesquels la population allemande serait supérieure à
50 pour 100 devraient être rendus à l'Allemagne pour assurer « le maintien de
la paix et la sécurité des intérêts vitaux de la Tchécoslovaquie ».
En échange, la France et la Grande-Bretagne convenaient de
participer à une garantie internationale des nouvelles frontières contre une
agression non provoquée. « Cette garantie remplacerait les traités d'assistance
mutuelle que l'État tchèque avait signés avec la France et la Russie. » C'était
là une porte de sortie fort commode pour les Français et, entraînés par Bonnet,
bien résolu (le cours des événements allait le montrer) à aller plus loin
encore que Chamberlain dans la voie des concessions, ils s'y précipitèrent.
Venaient ensuite les déclarations hypocrites :
Les gouvernements français et britannique, dirent-ils aux
Tchèques dans une note officielle, reconnaissent toute l'ampleur du sacrifice
exigé du gouvernement tchèque pour la cause de la paix. Mais cette cause étant
commune à la fois à l'Europe en général et à la Tchécoslovaquie elle-même en
particulier, ils ont l'un et l'autre estimé de leur devoir d'exposer
franchement les conditions essentielles pour en assurer le maintien,
Et puis ils étaient pressés. Le dictateur allemand ne pouvait
attendre.
Le Premier Ministre doit reprendre ses conversations avec
M. Hitler dès mercredi (le 22 septembre), plus tôt même s'il se peut. Nous estimons
par conséquent devoir vous demander une réponse le plus vite possible (49).
C'est ainsi que le 19 septembre, à midi, les ministres français
et britannique à Prague présentèrent conjointement des propositions
anglo-françaises au gouvernement tchèque. Elles furent rejetées le lendemain
dans une note pleine de dignité, où les Tchèques expliquaient, de manière
prophétique, que, les accepter, « ce serait placer tôt ou tard la
Tchécoslovaquie sous la domination complète de l'Allemagne ». Après avoir rappelé
à la France les obligations qu'elle avait prises par traité et les conséquences
qu'aurait pour la position française en Europe une capitulation tchèque, le
gouvernement de Prague proposait de soumettre l'ensemble de la question sudète
à un arbitrage, aux termes du traité germano-tchèque du 16 octobre 1925 [118] .
Mais les Britanniques et les Français n'avaient nulle envie de
se laisser arrêter, sur la voie qu'ils avaient choisie, par des considérations
sur le caractère sacré des traités. A peine les envoyés anglo-français à Prague
eurent-ils reçu la note de refus (le 20, à cinq heures du soir) que le ministre
britannique, Sir Basil Newton, avertissait le docteur Kamil Krofta, ministre
des Affaires étrangères tchèque, que, si son gouvernement maintenait sa position,
la Grande-Bretagne se désintéresserait du sort du pays. M. de Lacroix, le
ministre français, s'associa à cette déclaration au nom de la France.
Pendant ce temps, à Londres et à Paris, la note tchèque était
assez mal accueillie. Chamberlain réunit son cabinet restreint, et une liaison
téléphonique avec Paris fut établie, grâce à quoi des conversations furent
échangées avec Daladier et Bonnet pendant toute la soirée. Il fut convenu
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