Le Troisième Reich, T1
de l'histoire du
Troisième Reich. Pour la première fois, Hitler est à la
veille de se lancer à la conquête de territoires non germaniques. Depuis six
semaines, il ne cessait d'assurer Chamberlain, en public et en particulier,
qu'après l'annexion des districts sudètes il n'aurait plus d'autre
revendication territoriale à faire valoir en Europe. Et, bien que le Premier
Ministre eût fait preuve d'une crédulité presque inconcevable, en ajoutant foi
à la parole d'Hitler, il avait malgré tout quelque raison de croire que le
dictateur allemand s'arrêterait quand il aurait digéré les Allemands qui
vivaient jusque-là hors des frontières du Reich et y
étaient désormais rentrés.
Le Führer n'avait-il pas dit, à maintes
reprises, qu'il ne voulait pas de Tchèques dans le Troisième Reich ? Dans Mein Kampf , et
dans d'innombrables discours, n'avait-il pas exposé la théorie nazie selon
laquelle l'Allemagne, pour être forte, devait être racialement pure et par
conséquent ne devait pas absorber de peuples étrangers, surtout pas des Slaves?
Il l'avait dit en effet. Mais aussi — et peut-être l'oubliait-on à Londres — il
avait proclamé dans de nombreux passages ampoulés de Mein
Kampf que l'avenir de l'Allemagne exigeait la
conquête d'un Lebensraum à
l'est. Depuis plus d'un millénaire, cet espace vital était occupé par des
Slaves.
LA SEMAINE DES CARREAUX CASSES
A l'automne de 1938, l'Allemagne aborda un autre tournant
décisif, cette fois dans un domaine différent. Ce fut pendant ce qu'on a appelé
dans les milieux du parti « la semaine des carreaux cassés ».
Le 7 novembre, un réfugié juif allemand de dix-sept ans, du nom
de Herschel Grynszpan, blessa mortellement d'un coup de feu Ernst
von Rath, troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne à Paris. Le
père du jeune homme se trouvait parmi les 10 000 Juifs de Prague déportés peu
auparavant en Pologne en wagons à bestiaux; c'était à la fois pour le venger et
pour protester contre les persécutions dont étaient victimes tous les Juifs en
Allemagne nazie, qu'il se rendit à l'ambassade d'Allemagne dans l'intention de
tuer l'ambassadeur, le comte Johann von Welczeck. Mais on envoya le jeune
secrétaire voir ce que voulait Grynszpan, et ce fut lui qui périt. Il y avait
dans la mort de Rath un élément de cruelle ironie, car il avait été filé par la
Gestapo, en raison de son attitude antinazie, et, surtout, il ne s'était jamais
laissé égarer par l'antisémitisme forcené qui aveuglait les gouvernants de son
pays.
C'est dans la nuit du 9 au 10 novembre, peu après que les chefs
du parti, sous la présidence d'Hitler et de Gœring, eurent achevé de célébrer,
comme chaque année, le putsch de la Brasserie à Munich, que fut déclenché le
plus terrible pogrom qui ait eu lieu jusqu'alors dans le Troisième Reich. Selon
le docteur Gœbbels et la presse allemande contrôlée par lui, ce fut une
manifestation « spontanée » du peuple allemand, qui éclata à la nouvelle du
meurtre de von Rath. Mais les documents découverts après la guerre montrent
combien cette réaction fut « spontanée (5) ». Parmi les papiers secrets des
nazis relatifs à la période d'avant-guerre, ils comptent parmi les plus
révélateurs — et les plus horribles.
Le soir du 9 novembre, d'après un rapport secret, rédigé par le
principal juge du parti, le major Walther Buch, le docteur Gœbbels donna des
instructions pour que des « manifestations spontanées » fussent « organisées et
exécutées » pendant la nuit. Mais le véritable organisateur fut Reinhard
Heydrich (le sinistre numéro 2 des S.S. après Himmler), âgé de trente-quatre
ans, qui dirigeait le service de sécurité (S.D.) et la Gestapo. Les ordres
télétypés qu'il donna pendant la soirée se trouvent parmi les documents allemands
saisis.
A une heure vingt du matin, le 10 novembre, il envoya un message
urgent télétypé à tous les quartiers généraux et stations de la police d'État,
ainsi qu'au S.D., leur enjoignant de « discuter l'organisation des
manifestations » avec des chefs du parti ou des S.S.
a) Seules devront être prises des mesures
ne comportant aucun danger pour la vie et les biens des Allemands (par exemple
les synagogues ne doivent être incendiées que si le feu ne risque pas d'atteindre
les bâtiments avoisinants [142] );
b) les maisons de commerce et les appartements
privés des Juifs peuvent être détruits, mais non pillés...;
d)
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