Le Troisième Reich, T1
Tchécoslovaquie
était entre les mains du Führer et il estimait que, dans ces conditions, elle
était en sécurité. Puis il en vint à ce qui lui tenait le plus au cœur, le sort
de son peuple. Le Führer, il en avait la conviction, était précisément homme à
comprendre son point de vue quand il lui dirait que la Tchécoslovaquie avait
droit à une existence nationale. On blâmait la Tchécoslovaquie parce qu'il
existait encore de nombreux partisans du régime de Benès... Le gouvernement
essayait par tous les moyens de les réduire au silence. C'était à peu près tout
ce qu'il avait à dire.
A son tour, Adolf Hitler dit ce qu'il avait
à dire. Après avoir énuméré les prétendus torts que la Tchécoslovaquie de Masaryk
et de Benès avait causés aux Allemands et à l'Allemagne, et répété que
malheureusement les Tchèques n'avaient pas changé depuis Munich, il en arriva
au fait.
Il estimait, dit-il, que le voyage entrepris par le
Président en dépit de son âge pouvait être très profitable à son pays.
L'Allemagne, en effet, se préparait à intervenir; ce n'était plus maintenant
qu'une question d'heures... Il ne nourrissait aucune inimitié contre aucune
nation... Si l'État-moignon de Tchécoslovaquie continuait d'exister, c'était
uniquement parce que lui, Hitler, avait observé à son égard une attitude
loyale... A l'automne, il n'avait pas voulu tirer la conclusion finale, croyant
encore à la possibilité d'une coexistence, mais il avait fait comprendre sans
équivoque que, si les conceptions chères au gouvernement Benès ne
disparaissaient pas tout à fait, il détruirait entièrement l'État
tchécoslovaque.
Or, elles n'avaient pas disparu; et il citait des « exemples ».
C'est pourquoi, le dimanche précédent, le 12 mars, les dés
avaient été jetés... Il avait donné ordre aux troupes allemandes d'envahir
le pays et décidé d'incorporer la Tchécoslovaquie dans le Reich allemand [155] .
« Hacha et Chvalkovsky, note le docteur Schmidt, semblaient changés en statues de pierre. Seuls leurs
yeux montraient qu'ils étaient vivants ». Mais Hitler n'avait pas terminé.
Il lui restait à humilier ses hôtes en les menaçant de faire régner dans leur
pays la terreur teutonne.
L'armée allemande, poursuivit Hitler, était déjà entrée, le
jour même, dans le pays et, dans une caserne où les soldats avaient voulu
résister, cette résistance avait été impitoyablement brisée.
Le lendemain matin, à six heures, l'armée allemande
pénétrerait en Tchécoslovaquie de tous les côtés à la fois et l'aviation
allemande occuperait les aérodromes. Deux éventualités étaient possibles. Ou
bien l'entrée des troupes allemandes donnerait lieu à des combats, auquel cas
la résistance serait brisée par la force brutale, ou bien l'entrée des troupes
allemandes aurait lieu de façon pacifique, et le Führer accorderait alors sans
difficulté à la Tchécoslovaquie un régime qui lui soit propre dans une large
mesure, l'autonomie et une certaine liberté nationale.
S'il agissait ainsi, ce n'était pas mû par un sentiment de
haine, mais pour assurer la protection de l'Allemagne. Si la Tchécoslovaquie
n'avait pas cédé à l'automne précédent, il aurait exterminé le peuple tchèque.
Nul ne l'en aurait empêché. Si l'on en venait à se battre... au bout de deux
jours l'armée tchèque aurait cessé d'exister. Naturellement, il y aurait aussi
des victimes parmi les Allemands, ce qui engendrerait une haine qui le
contraindrait, par souci d'auto-conservation, à ne pas accorder l'autonomie. De
cela le reste du monde ne se soucierait nullement. Quand il lisait la presse étrangère,
il était plein de compassion pour la Tchécoslovaquie. L'impression qu'il
éprouvait alors pourrait s'exprimer sous la forme de la célèbre citation
d'Othello, proverbiale en Allemagne : « Le Maure a fait son devoir, le Maure
peut partir... »
C'est pourquoi il avait demandé à Hacha de venir. C'était
le dernier service qu'il pouvait demander au peuple tchèque. A la suite de
cette visite, peut-être le pire pourrait-il être évité.
Les heures passaient. A six heures du matin, les troupes
entreraient en Tchécoslovaquie. Il avait presque honte de le dire, mais, pour
un bataillon tchèque, il y avait toute une division allemande. Il conseillait
maintenant au président de se retirer avec Chvalkovsky pour discuter ce qu'il
convenait de faire.
Que convenait-il de faire? Le vieux président,
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