Le Troisième Reich, T1
savait parfaitement.
Le 31 mars, seize jours après l'entrée d'Hitler à Prague, le Premier
Ministre déclarait à la Chambre des Communes :
Dans l'éventualité d'une action qui menacerait nettement
l'indépendance de la Pologne et à laquelle le gouvernement polonais déciderait
de résister, pour des raisons vitales, avec toutes ses forces nationales, le
gouvernement de Sa Majesté s'estimerait tenu d'apporter aussitôt au
gouvernement polonais toute l'aide en son pouvoir. Il a donné au gouvernement
polonais des assurances à cet effet. Je puis ajouter que le gouvernement
français m'a autorisé à préciser que sa position est la même que la nôtre.
Le tour de la Pologne était venu.
14 -
LE TOUR DE LA POLOGNE
Le 24 octobre 1938, moins d'un mois après Munich, Ribbentrop fut
l'hôte de Josef Lipski, ambassadeur de Pologne, à l'occasion d'un déjeuner, qui
se prolongea pendant trois heures, au Grand Hôtel de Berchtesgaden. A
l'instar de l'Allemagne et, en fait, de connivence avec elle, la Pologne venait
de s'emparer d'une bande de territoire tchèque. L'entretien se déroula, ainsi
que le souligna le procès-verbal du ministère allemand des Affaires étrangères,
« dans une atmosphère très amicale (1) ».
Pourtant, le ministre des Affaires étrangères nazi ne tarda pas
à aborder les affaires sérieuses. Le temps était venu, déclara-t-il, d'un
accord général entre la Pologne et l'Allemagne. Il fallait, en premier lieu,
poursuivit-il, « parler de Dantzig avec la Pologne ». Ce territoire devait «
retourner » à l'Allemagne. De plus, ajouta Ribbentrop, le Reich désirait
construire à travers le « Couloir Polonais » une super-autostrade et une double
voie de chemin de fer qui, reliant l'Allemagne à Dantzig et à la
Prusse-Orientale, devraient bénéficier du droit d'exterritorialité. Enfin,
Hitler désirait voir la Pologne se joindre au pacte anti-Komintern dirigé
contre la Russie. En échange de toutes ces concessions, l'Allemagne était prête
à proroger de dix à vingt ans le traité germano-polonais et à garantir les
frontières polonaises.
Ribbentrop insista sur le fait qu'il abordait ces problèmes « en
toute confiance ». Il suggéra à l'Ambassadeur de soumettre son rapport au
ministre des Affaires étrangères Beck « oralement », pour éviter des fuites
toujours à redouter, surtout du côté de la presse. Lipski promit de faire son
rapport à Varsovie, mais avertit Ribbentrop qu'il ne voyait, quant à lui, «
aucune possibilité » que Dantzig retournât jamais à l'Allemagne. Il rappela, en
outre, au ministre des Affaires étrangères allemand deux circonstances récentes
— 5 novembre 1937 et 14 janvier 1938 — où Hitler avait personnellement assuré les
Polonais que jamais il ne donnerait son appui à une modification quelconque du
statut de Dantzig (2). Ribbentrop rétorqua qu'il ne désirait pas avoir
maintenant la réponse, mais qu'il conseillait aux Polonais de « réfléchir à la
question ».
Le gouvernement de Varsovie ne perdit pas son temps à
tergiverser. Une semaine plus tard, le 31 octobre, le ministre des Affaires
étrangères Beck envoyait à son ambassadeur à Berlin des instructions détaillées
sur la réponse à donner aux Allemands. Mais Lipski ne parvint pas à obtenir
audience de Ribbentrop avant le 18 novembre — les nazis tenaient manifestement
à ce que les Polonais pèsent bien leur réponse. Celle-ci fut négative. Mais,
pour prouver sa bonne volonté, la Pologne proposait de substituer à la garantie
de la Société des Nations un accord bilatéral germano-polonais sur le statut de
la Ville Libre.
« Toute autre solution, écrivit Beck dans un mémorandum dont
Lipski fit la lecture à Ribbentrop, et en particulier toute tentative en vue
d'incorporer la Ville Libre au Reich, risque inévitablement d'aboutir à un
conflit. » Et il ajouta qu'en 1934 le défunt dictateur de Pologne, le maréchal
Pilsudski, avait, lors de négociations en vue d'un pacte de non-agression,
averti les Allemands que « la question de Dantzig était le critère qui devait
permettre de juger des intentions de l'Allemagne à l'égard de la Pologne ».
Une telle réplique ne fut pas du goût de Ribbentrop. « Il
déplora la position adoptée par Beck » et avertit les Polonais que « les
propositions allemandes étaient vraiment dignes d'attention (3). »
La réponse d'Hitler à la rebuffade des Polonais sur la question
de Dantzig fut plus cinglante. Le 24
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