Le Troisième Reich, T1
de la presse
britannique (même le Times, mais cependant pas le Daily Mail ) et aussi
la Chambre des Communes avaient réagi violemment contre le dernier acte
d'agression commis par Hitler.
Ce qui était plus grave encore, un grand nombre de ses partisans
au Parlement et la moitié du cabinet s'étaient déclarés franchement hostiles à
toute nouvelle concession à la politique d'apaisement. Lord Halifax, en
particulier (ainsi que l'ambassadeur d'Allemagne en informa Berlin), avait
insisté pour que le Premier Ministre reconnût qu'il s'était trompé et changeât
sans plus tarder son fusil d'épaule (38). Chamberlain commença dès lors à se
demander si sa position personnelle, en tant que chef du Parti conservateur,
n'était pas en péril.
Son revirement d'opinion se manifesta brusquement. Le soir du 16
mars, Sir John Simon, au nom du gouvernement, avait encore prononcé aux
Communes, au sujet de l'affaire tchèque, un discours sans pudeur, si bien dans
« l'esprit de Munich » qu'il souleva à la Chambre, selon les comptes rendus de
presse, « une colère si violente qu'on avait rarement vu pareil déchaînement ».
Le lendemain, veille de son soixante-dixième anniversaire,
Chamberlain devait prononcer, lui aussi, un discours à Birmingham, sa ville
natale. Il avait rédigé une allocution sur des questions intérieures, insistant
particulièrement sur les œuvres sociales. D'après le récit que je tiens de
source diplomatique française, Chamberlain prit sa décision dans le train qui,
pendant l'après-midi, le conduisait à Birmingham. Laissant complètement de côté
le texte qu'il avait préparé, il nota quelques idées à la hâte, résolu à parler
de tout autre chose.
Devant tout le peuple de Grande-Bretagne et même devant une
grande partie du monde, car le discours était radiodiffusé, Chamberlain
regretta « la déclaration très retenue et prudente... un peu froide et objective
» qu'il avait cru devoir faire deux jours plus tôt devant les Communes : «
J'espère, dit-il, apporter ce soir un correctif à cette déclaration. »
Le Premier Ministre s'apercevait enfin qu'Hitler l'avait trompé.
Il récapitula toutes les assurances que lui avait données le Führer. N'avait-il
pas affirmé, à propos du pays des Sudètes, que c'était la dernière
revendication territoriale qu'il eût à faire valoir en Europe et « qu'il ne
voulait pas de Tchèques chez lui »? Or, Hitler avait trahi sa parole, « il avait
passé outre à la loi ».
On vient nous dire maintenant que cette agression a été
rendue nécessaire par des troubles qui auraient éclaté en Tchécoslovaquie. S'il
y a eu vraiment des troubles, n'ont-ils pas été fomentés de l'extérieur?
Assistons-nous à la fin d'une ancienne aventure ou au début d'une nouvelle?
Cette attaque contre un petit État est-elle la dernière ou sera-t-elle suivie
de beaucoup d'autres? Ne s'agit-il pas, en réalité, d'une nouvelle étape vers
la domination du monde par la force?...
Certes, je ne suis pas disposé à prendre, au nom de notre
pays, des engagements nouveaux et mal définis, dépendant de conditions
actuellement imprévisibles, pourtant on commettrait une très grave erreur en
supposant que notre nation, parce qu'elle considère la guerre comme une chose
cruelle et insensée, a perdu tout ressort, au point de ne pas riposter, avec
toutes ses forces, à un tel défi, s'il venait à lui être lancé.
La politique de Chamberlain, et donc de la Grande-Bretagne,
avait brusquement pris un tournant décisif et Hitler en fut informé dès le
lendemain par le perspicace ambassadeur d'Allemagne à Londres. Dans un long
rapport en date du 18 mars, Herbert von Dirksen avertissait la Wilhelmstrasse :
« Il ne faut pas se faire d'illusions, écrivait-il, et se refuser à voir qu'un
changement essentiel s'est produit dans l'attitude de la Grande-Bretagne à
l'égard de l'Allemagne (39). »
Si l'on avait lu Mein Kampf , si l'on situait sur une
carte les nouvelles positions de l'armée allemande en Slovaquie, si l'on avait
eu vent de certaines activités diplomatiques allemandes après Munich, ou si
l'on avait médité sur les méthodes hitlériennes employées pour la conquête
pacifique de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie, au cours des douze mois
écoulés, on devinait aisément, parmi les « petits États » destinés à devenir
les victimes du Führer, lequel se trouvait maintenant en tête de liste. Comme
tout le monde ou presque, Chamberlain le
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