Le Troisième Reich, T1
n'avait pas voulu confier à son excellent ami et
allié la date du 1er septembre qu'il s'était fixée pour envahir la Pologne,
répondit qu'il avait lu le mémorandum secret « avec le plus grand intérêt » et
suggéra qu'ils devraient tous deux se rencontrer à une date ultérieure pour
discuter. Dans l'intervalle, le Führer décida de chercher s'il n'y aurait pas
moyen de provoquer une fissure dans le mur du Kremlin. Pendant tout le mois de
juin, des pourparlers sur le nouvel accord commercial prirent place à Moscou
entre l'ambassade d'Allemagne et Anastase Mikoyan, commissaire au Commerce
extérieur soviétique.
Le gouvernement russe se méfiait encore beaucoup de Berlin.
Ainsi que le rapporta Schulenburg vers la fin du mois (27 juin), le Kremlin
était convaincu qu'en insistant pour un accord commercial les Allemands
souhaitaient simplement torpiller les négociations russes avec la
Grande-Bretagne et la France : « On craint ici, télégraphiait-il à Berlin, que,
dès que nous aurons obtenu cet avantage, nous laissions les pourparlers tomber
à l'eau (61). »
Le 28 juin, Schulenburg eut avec Molotov un long entretien, qui
se poursuivit « très amicalement », précisa-t-il à Berlin dans un télégramme «
confidentiel et très urgent ». Pourtant, lorsque l'ambassadeur d'Allemagne fit,
avec assurance, allusion aux traités de non-agression que l'Allemagne venait de
conclure avec les États Baltes [180] ,
le commissaire aux Affaires étrangères rétorqua sèchement que « les dernières
expériences de la Pologne lui inspiraient quelques doutes légitimes sur la
permanence de traités de cette sorte ». Résumant la conversation, Schulenburg
concluait :
J'ai donc l'impression que le gouvernement soviétique est
très désireux de connaître nos intentions politiques et de maintenir le contact
avec nous. Bien qu'il n'y ait pas lieu de se méprendre sur la profonde méfiance
qui transparaît de tous les propos de Molotov, celui-ci n'en a pas moins
présenté la normalisation des relations avec l'Allemagne comme souhaitable et
possible (62).
L'ambassadeur demanda des instructions télégraphiques sur ses
prochains mouvements. Schulenburg était l'un des derniers survivants de l'école
de Seeckt, Maltzan et Brockdorff-Rantzau qui n'avaient cessé de préconiser le rapprochement de l'Allemagne et de la Russie Soviétique et l'avaient réalisé à Rapallo. Ainsi
que le prouvent toutes les dépêches qu'il envoya pendant l'année 1939, il
s'efforça avec sincérité de rétablir les relations étroites qui avaient existé
sous la République de Weimar. Mais, comme tant d'autres diplomates de carrière
allemands appartenant à la vieille école, il ne comprenait qu'imparfaitement
Hitler.
Subitement, le 29 juin, Hitler, du haut de sa retraite
montagneuse de Berchtesgaden, fit-interrompre les pourparlers avec les Russes.
Berchtesgaden, 29-6-39.
... Le Führer a décidé ce qui suit :
Les Russes devront être informés que nous avons compris à
leur attitude qu'ils veulent subordonner la poursuite des conversations à notre
acceptation de la base de nos discussions économiques telle qu'elle a été fixée
en janvier. Puisque cette base nous a semblé inacceptable, nous ne voyons, pour
le moment, aucun intérêt à reprendre les discussions avec les Russes.
Le Führer a consenti à ce que cette réponse soit retardée
de quelques jours (63).
En fait, la substance en fut télégraphiée dès le lendemain à
l'ambassade d'Allemagne à Moscou.
Le ministre des Affaires étrangères (lit-on dans la dépêche
de Weizsaecker)... est d'avis que, politiquement, assez de choses ont été dites
en attendant de nouvelles instructions et que, pour l'heure présente, ce n'est
pas à nous de reprendre les entretiens.
En ce qui concerne les relations économiques éventuelles
avec le gouvernement russe, les délibérations ne sont pas encore arrivées à
conclusion. Dans ce domaine aussi, vous êtes prié de ne prendre, pour le
moment, aucune initiative nouvelle et d'attendre des instructions (64).
Il n'y a, dans les documents secrets allemands, rien qui
explique la brusque volte-face d'Hitler. Les Russes avaient déjà commencé de
transiger sur leurs propositions de janvier et de février. Et, le 15 juin,
Schnurre les avait avertis qu'une rupture des négociations constituerait,
économiquement et politiquement, un échec pour l'Allemagne. Ce n'étaient pas
non plus les vicissitudes des négociations
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