Le Troisième Reich, T1
excédait de loin celui de tous les autres pays. En fait, le réarmement
allemand dans son ensemble était, déclara le général, « probablement unique au
monde ».
Si formidable que fût devenue la puissance militaire allemande
au début de l'été 1939, les perspectives de succès de la guerre projetée par
Hitler pour le début de l'automne dépendaient de la forme même de la lutte.
L'Allemagne n'était pas encore assez puissante pour affronter la France, la
Grande-Bretagne et la Russie en plus de la Pologne. Au début de l'été, tout
reposait encore sur la question de savoir si le Führer serait capable de
limiter le conflit, et surtout d'empêcher la Russie de former l'alliance
militaire avec l'Ouest proposée par Litvinov juste avant sa chute, et à
laquelle Chamberlain, tout en ayant d'abord paru l'écarter, continuait, en
cette fin du mois de mai, de songer.
L’INTERVENTION DE LA RUSSIE (II)
Au cours d'un débat à la Chambre des Communes, le Premier
Ministre avait, le 19 mai, considéré une fois de plus avec froideur et même
dédain, si l'on en croit Churchill, les propositions russes. D'un ton lassé, il
avait expliqué à la Chambre qu' « il existait entre les deux gouvernements une
sorte de voile ou de mur des plus difficiles à pénétrer ». Churchill, au
contraire, épaulé par Lloyd George, avait soutenu que l' « offre de Moscou
(était) plus loyale... plus simple, plus directe, plus valide » que les propositions
mêmes de Chamberlain. Il conjura les membres du gouvernement de Sa Majesté de «
se mettre dans la tête quelques vérités élémentaires. Sans un front oriental
effectif, il ne pouvait y avoir de défenses satisfaisantes à l'Ouest, et il ne
pouvait y avoir de front oriental effectif sans la Russie ».
Pliant sous l'orage de critiques qui s'abattait sur lui de tous
côtés, Chamberlain chargea l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou
d'entreprendre des pourparlers en vue d'un pacte d'assistance mutuelle, d'un
traité militaire et de l'octroi de garanties aux pays menacés par Hitler [177] .
L'ambassadeur d'Allemagne à Londres, von Dirksen, signala à la Wilhelmstrasse
que le gouvernement britannique n'avait « pris cette initiative qu'avec la plus
grande répugnance ».
De plus, Dirksen révéla ce qui était peut-être la raison
majeure de la démarche de Chamberlain. Le Foreign Office, s'empressa-t-il de
rapporter à Berlin, avait eu vent des « ballons d'essai allemands à Moscou » et
avait « peur que l'Allemagne ne réussisse à s'assurer la neutralité de la
Russie Soviétique ou même à persuader celle-ci d'adopter une attitude de
neutralité bienveillante. Ce qui entraînerait l'effondrement total de la
politique d'encerclement (53) ».
Le dernier jour de mai, Molotov fit, dans une
adresse au Conseil suprême de l'U.R.S.S., son premier discours public en tant
que commissaire aux Affaires Étrangères. Il critiqua violemment les hésitations
des démocraties occidentales, déclarant que, si ces dernières avaient
sérieusement l'intention de s'allier à la Russie pour arrêter toute tentative
d'agression, il leur faudrait prendre contact avec le réel et en arriver à une
entente sur trois points principaux :
1. Conclure un pacte tripartite d'assistance
mutuelle d'un caractère purement défensif.
2. Accorder leur garantie aux États d'Europe
centrale et orientale, y compris tous les États d'Europe limitrophes de
l'Union Soviétique.
3. Conclure un accord défini sur la forme et la
portée d'aide immédiate et effective que chacune des parties était susceptible
d'apporter à l'autre, ainsi qu'aux petites puissances menacées d'agression.
Molotov déclara également que les
conversations avec l'Ouest ne signifiaient pas que la Russie renoncerait à «
des relations commerciales positives » avec l'Allemagne et l'Italie. En fait,
déclara-t-il, « une reprise des négociations commerciales avec l'Allemagne
n'était pas exclue ».
En rapportant ce discours à Berlin, l'ambassadeur von der
Schulenburg souligna que Molotov avait laissé entendre que
la Russie était toujours disposée à conclure un pacte avec la Grande-Bretagne
et la France « à condition que toutes ses exigences soient acceptées »; mais il
ajouta que cette allocution laissait tout lieu d'augurer qu'il s'écoulerait
beaucoup de temps avant qu'on ne parvienne à un accord effectif. Molotov, souligna-t-il, s' « était abstenu de toute pointe à l'adresse de
l'Allemagne et avait
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