Le Troisième Reich, T1
fournies par les ambassadeurs Henderson et
Coulondre que la Grande-Bretagne et la France étaient résolues à tenir leurs
engagements envers la Pologne, n'avait ébranlé Hitler dans sa résolution de
perpétrer son agression selon le plan et l'horaire prévus. Mais vers dix-huit
heures ou peu après, deux nouvelles, parvenues de Londres et de Rome firent
hésiter cet homme dont la volonté semblait pourtant inflexible.
Les archives secrètes et le témoignage ultérieur des
fonctionnaires de la Wilhelmstrasse ne précisent pas à
quel moment exactement Hitler apprit la signature à Londres du traité officiel
anglo-polonais qui transformait la garantie unilatérale britannique en un pacte
d'assistance mutuelle [214] .
D'après certains passages du journal de Halder et du
registre de mouvement de la marine allemande, on peut supposer que la Wilhelmstrasse, le 25 août à midi, s'attendait plus ou moins à
la signature du traité au cours de la journée.
Le chef de l'état-major général note avoir reçu à midi un coup
de téléphone de l'O.K.W. s'enquérant de la dernière limite pour le renvoi de
l'ordre d'attaque. « 15 h », aurait-il répondu. Le mouvement de la marine
mentionne, lui aussi, que l'annonce du traité anglo-polonais et de « nouvelles
en provenance du Duce » fut reçue à midi (7). Mais c'est là chose impossible.
Le message de Mussolini, la note allemande portée sur le document en fait foi,
ne parvint pas avant « 18 h » environ.
De même, Hitler ne pouvait être informé de la signature du
traité anglo-polonais avant cette heure, puisque cet événement ne prit place à
Londres qu'à dix-sept heures trente-cinq — et, qui plus est, quinze minutes
tout juste après que l'ambassadeur de Pologne à Londres, le comte Édouard
Raczinski, eut reçu téléphoniquement de Varsovie l'autorisation d'apposer sa
signature [215] .
Quelle que soit l'heure à laquelle il la reçut — et dix-huit
heures paraît assez proche de la vérité — Hitler fut bouleversé par cette
nouvelle de Londres. Elle pouvait fort bien, en effet, représenter la réponse
de la Grande-Bretagne à l'offre qu'il avait faite et dont Londres devait avoir
pris connaissance. Et elle signifiait qu'il avait échoué dans sa tentative pour
acheter les Anglais comme il avait acheté les Russes. Le docteur Schmidt, qui se trouvait dans le bureau d'Hitler à l'arrivée du rapport, se
rappela plus tard que le Führer, après l'avoir lu, était
demeuré sombre et songeur à sa table (8).
MUSSOLINI PREND PEUR
Sa méditation fut très vite interrompue par des nouvelles tout
aussi mauvaises de Rome. Tout l'après-midi, le dictateur allemand avait attendu
« avec une impatience non dissimulée », pour reprendre l'expression du docteur Schmidt, la réponse du Duce à sa lettre. L'ambassadeur d'Italie,
Attolico, fut convoqué à la Chancellerie à quinze heures, peu après le départ
de Henderson, mais il put simplement informer le Führer qu'aucune
réponse n'était encore parvenue. A ce moment, Hitler était dans un tel état
d'énervement qu'il chargea Ribbentrop d'appeler Ciano au téléphone, mais le
ministre des Affaires étrangères fut incapable d'obtenir la communication.
Attolico, raconte Schmidt, fut congédié « avec un minimum
de courtoisie (9) ».
Depuis quelques jours, Hitler recevait de Rome des
avertissements que son partenaire de l'Axe pourrait très bien le laisser en
plan au moment crucial, et ces bruits n'étaient pas sans fondement. Ciano
n'était pas plutôt revenu de ses décevants entretiens du 11 au 13 août avec
Hitler et Ribbentrop qu'il s'était employé à dresser Mussolini contre les
Allemands — tentative qui n'avait pas échappé à la vigilance de l'ambassadeur
d'Allemagne à Rome.
Le journal du ministre des Affaires étrangères fasciste retrace
les vicissitudes de ses, efforts pour obliger le dictateur italien à voir clair
et à se dégager à temps de la guerre d'Hitler (10). Le 13 août, le soir du
retour de Berchtesgaden, Ciano vit le Duce et, après lui avoir décrit ses
entretiens avec Hitler et Ribbentrop, tenta de convaincre son chef que les
Allemands « nous avaient trahis et nous avaient menti », et qu'ils « étaient en
train de nous entraîner dans une aventure ».
Les réactions du Duce se contredisent, nota, le soir même,
Ciano dans son journal. Tout d'abord il me donne raison. Puis il déclare que
l'honneur l'oblige à marcher avec l'Allemagne. Enfin, il affirme qu'il veut
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