Le Troisième Reich, T1
choses ensuite et qu'il ne modifia rien dans sa façon de penser.
Quand il quitta l'Autriche pour l'Allemagne en 1913 à l'âge de vingt-quatre
ans, il brûlait de passion pour le nationalisme allemand; il haïssait la
démocratie, le marxisme et les Juifs; il était convaincu que la Providence
avait élu les Aryens, et tout particulièrement les Allemands, pour être la race
maîtresse du monde.
Dans Mein Kampf , il a exposé ses conceptions, et leurs
applications en vue de résoudre ce double problème : d'abord, donner à une
Allemagne vaincue et anarchique une place au soleil plus belle que jamais;
ensuite fonder une nouvelle sorte d'État : un État ayant la race pour base et
instaurant la dictature absolue du chef (c'est-à-dire de lui-même, Hitler),
régnant sur des chefs moindres qui prendraient ses ordres et qui donneraient
des ordres à leurs subalternes.
En somme, l'ouvrage contient : d'abord une esquisse du futur
État allemand et des moyens lui permettant de devenir un jour « maître de la
Terre » (l'auteur l'indique dès la première page); ensuite, un point de vue,
une perspective sur la vie exprimée par son mot préféré, Weltanschauung (Conception du Monde). Il va sans dire que cette perspective apparaît à
n'importe quelle intelligence normale du XXe siècle comme un ridicule
salmigondis composé par un névropathe sans connaissances ni culture. Ce qui
compte beaucoup plus, c'est qu'elle fut fanatiquement adoptée par tant de
millions d'Allemands et que, si elle les mena à leur ruine, elle y entraîna
également tant de millions d'innocents, dans leur pays et, plus encore,
au-dehors de ses frontières.
Comment donc le nouveau Reich reprendrait-il une position de
puissance mondiale et marcherait-il ensuite vers la domination universelle?
Hitler traita la question dans son premier volume rédigé pour la plus grande
partie quand il était en prison en 1924, et il y revint plus en détail dans le
second, terminé en 1926.
Tout d'abord, un règlement de comptes s'imposait avec la France,
« inexorable et mortelle ennemie du peuple allemand ». Le but qu'elle visait,
selon Hitler, serait toujours « de briser l'Allemagne, de la démembrer en un
méli-mélo de petits États ». C'était si évident, ajoutait-il, que si « j'étais
un Français... je ne pourrais ni ne voudrais agir autrement que Clemenceau ».
Il fallait, par conséquent, conclure « un règlement positif et final avec la
France... une dernière lutte définitive... alors seulement nous pourrons
terminer le combat perpétuel et essentiellement stérile entre la France et nous
; ce qui présuppose évidemment que l'Allemagne ne considère la destruction de
la France que comme un moyen capable de donner ensuite à notre peuple
l'expansion rendue possible ailleurs (2) ».
Une expansion ailleurs? Où donc? C'est ce qui amène Hitler au
cœur de ses idées relatives à la politique étrangère allemande, qu'il tenta de
réaliser avec tant d'esprit de suite, une fois devenu dictateur. Il a dit
sans ambages que l'Allemagne devait s'étendre à l'est, et principalement aux
dépens de la Russie .
Dès le premier volume de Mein Kampf , Hitler disserte
longuement sur le problème du Lebensraum (espace vital), sujet qui
l'obséda jusqu'à son dernier soupir. Il estime que l'erreur commise par
l'empire des Hohenzollern fut de rechercher des colonies en Afrique. « Une
politique territoriale ne peut se réaliser au Cameroun, mais, de nos jours,
exclusivement en Europe. » Cependant, ce continent était déjà occupé. Tout en
constatant le fait, Hitler déclare que « la nature n'a pas réservé la
possession de son sol à une nation ou à une race quelconque; bien au contraire,
ce sol deviendra la possession du peuple qui aura la force de le prendre, si
toutefois ce peuple existe ». Et si ses possesseurs actuels élèvent des
objections? « Alors, c'est la loi de la concurrence vitale qui joue : ce que
n'obtiennent pas des méthodes pacifiques, c'est au poing de s'en emparer (3). »
Dénonçant les faiblesses de la politique étrangère allemande
d'avant guerre, Hitler continue : « L'acquisition de terres nouvelles n'était
possible qu'à l'est... Si l'on en voulait en Europe, on ne pouvait les obtenir
en quantité raisonnable qu'aux dépens de la Russie. Ce qui revenait à dire que
le nouveau Reich devait reprendre la route suivie par les anciens chevaliers
teutoniques, afin de conquérir par l'épée allemande le sol où la
Weitere Kostenlose Bücher