Le Troisième Reich, T1
caricature, l'art, la littérature, l'histoire, les questions
sexuelles, le mariage, la prostitution et la syphilis. Pour cette dernière,
Hitler lui consacre dix pages pesantes, affirmant que « la tâche de la nation,
et non pas seulement une tâche parmi les autres [30] », était de l'extirper.
Afin de combattre cette maladie redoutée, il exige que soient
mobilisées toutes les ressources de la propagande nationale. « Tout, dit-il,
dépend de la solution de cette question. » Il déclare aussi qu'il faut régler
le problème de la syphilis et de la prostitution en facilitant les mariages des
jeunes, et il donne un avant-goût de l'eugénisme du Troisième Reich, en affirmant que « le mariage ne saurait être une fin en soi, mais qu'il
doit servir un dessein plus élevé : celui d'accroître et de préserver l'espèce
et la race; c'est cela seul qui constitue son sens et sa tâche (11). »
Cette idée de la préservation de l'espèce et de la race qu'on
trouve dans Mein Kampf nous
amène à la seconde considération principale : la Weltanschauung d'Hitler, sa perspective de la vie ; des historiens, en
Angleterre notamment, l'ont considérée comme une forme grossière du darwinisme;
or nous verrons qu'en réalité ses racines s'enfoncent profondément dans
l'histoire et dans la pensée allemandes. Comme Darwin, mais aussi comme toute
une suite de philosophes, d'historiens, de rois, de généraux et d'hommes d'État
allemands, Hitler voyait la vie comme une lutte perpétuelle et le monde comme
une jungle où survit le plus apte et où règne le plus fort, un monde « où
chaque être se nourrit d'un autre et où la mort du plus faible permet
l'existence du plus fort ».
Mein Kampf est parsemé
d'aphorismes tels que ceux-ci : « En fin de compte, l'instinct de conservation
est le seul maître... L'humanité s'est faite grande par la lutte perpétuelle,
et c'est seulement par la paix perpétuelle qu'elle périt... La Nature... met
les êtres vivants au monde et elle assiste au libre jeu des forces en présence.
Alors, elle accorde le droit de dominer à son enfant préféré, le plus doué de
courage et d'ingéniosité... Le plus fort doit dominer, et non pas se mêler aux
faibles, ce qui lui ferait perdre sa supériorité. Seul, celui qui est né faible
peut tenir ces conditions pour cruelles. » Aux yeux d'Hitler, la préservation
de la « culture » est liée à la loi rigide de la nécessité, et la victoire est
le droit du plus fort. « Ceux qui veulent vivre, qu'ils combattent donc. Et
ceux qui ne veulent pas combattre, en ce monde d'éternel combat, ne méritent
pas de vivre. Même si c'est dur, c'est ainsi qu'il en est (12)! »
Et qui sera « l'enfant préféré de la Nature, le plus doué de
courage et d'ingéniosité », auquel la Providence accorde « le droit de dominer
»? C'est l'Aryen. On trouve là, dans Mein Kampf ,
l'essence de l'idée nazie de supériorité raciale, de la conception de la
super-race, sur laquelle se fondaient le Troisième Reich et le nouvel Ordre
européen voulu par Hitler.
Toute la culture humaine, tous les résultats apportés par
l'art, la science et la technologie, dont nous jouissons aujourd'hui, sont
presque exclusivement dus au génie créateur de l'Aryen. Ce fait même implique
que lui seul a fondé l'humanité supérieure et qu'il est donc le prototype de ce
que nous entendons par le mot « homme ». Il est le Prométhée de notre espèce.
De son front de lumière a jailli à toutes les époques l'étincelle divine du
génie; elle a perpétuellement ranimé la flamme de la conscience qui éclaircit
la nuit des mystères silencieux, grâce à quoi l'homme a pu accéder à la
maîtrise et à la domination des autres êtres terrestres... C'est lui qui
établit les fondations et qui assuma la construction des murs de tous les
grands édifices de la civilisation humaine (13).
Comment, maintenant, l'Aryen accomplit-il une œuvre d'une telle
envergure et devint-il si grand ? Hitler répond : En piétinant les autres.
Ainsi que tant de penseurs allemands du XIXe siècle, il s'épanche dans un
sadisme (et dans son opposé, un masochisme) que les germanisants étrangers ont
toujours eu de la peine à comprendre.
Ainsi, l'existence de types humains inférieurs a toujours
été une des conditions préalables essentielles à la formation des civilisations
supérieures... Il est certain que la première culture humaine se fonda moins
sur le dressage des animaux que sur
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