Le Troisième Reich, T1
Führerprinzip (le principe du chef), c'est-à-dire que
ce serait une dictature. L'ouvrage est presque complètement muet sur les
questions économiques; elles ennuyaient Hitler, et il ne prit jamais la peine
d'apprendre quoi que ce soit à leur sujet, si l'on en excepte qu'il s'est amusé
à jouer avec les conceptions baroques de Gottfried Feder, esprit faux et grand
ennemi de l' « esclavage des intérêts ».
Hitler ne s'intéressait qu'au pouvoir politique; il semblait
compter que les questions économiques s'arrangeraient d'elles-mêmes.
L'État n'a absolument rien de commun avec une conception ou
un développement économique quelconque... L'État est un organisme racial, et
non pas une organisation économique... La force essentielle d'un État ne
coïncide que très rarement avec ce qu'on appelle la prospérité économique;
celle-ci, dans d'innombrables cas, semble indiquer que l'État manifeste des
signes de déclin... La Prusse démontre avec une admirable netteté que ce ne
sont pas les qualités matérielles, mais les vertus idéales qui, seules, rendent
possible la formation d'un État. C'est uniquement sous leur protection que peut
fleurir la vie économique. Chaque fois qu'en Allemagne le pouvoir politique a
eu un renouveau de vigueur, les conditions économiques ont commencé de
s'améliorer; mais, de même, chaque fois qu'elles ont constitué le seul contenu
de la vie de notre peuple, en étouffant chez lui les vertus idéales, l'État
s'est écroulé et il a entraîné dans sa ruine la situation économique... Jamais
encore, un État ne fut fondé par la mise en œuvre dans la paix d'une politique
économique (9)...
Il en découle, comme Hitler le déclara en 1921 dans un discours
à Munich, que « nulle politique économique n'est possible sans l'épée, nulle
industrialisation n'est possible sans le pouvoir ». Sauf cette philosophie
vague et sommaire, sauf aussi une allusion dans Mein Kampf à des «
assemblées économiques », à des « assemblées foncières » et à un «
parlement économique central », lequel « assurerait le fonctionnement de
l'économie nationale », Hitler s'abstient d'exprimer une opinion quelconque sur
les bases économiques du Troisième Reich.
Et, quoique le Parti nazi prétendît, par son nom même, qu'il
était « socialiste », Hitler se montrait encore plus discret sur le genre de «
socialisme » qu'il envisageait pour la nouvelle Allemagne. Il n'y a pas lieu de
s'en étonner quand on se rappelle la définition qu'il donne du « socialiste »
dans un discours prononcé le 28 juillet 1922 :
Quiconque est prêt à faire sienne la cause nationale, assez
pour ignorer un idéal plus élevé que l'intérêt de son pays; quiconque a compris
que notre grand hymne, Deutschland über alles , signifie que rien dans ce
vaste monde ne surpasse à ses yeux cette Allemagne, avec son peuple et son sol,
celui-là est un socialiste (10).
Bien que trois collaborateurs au moins lui aient prodigué de
nombreux conseils et même qu'ils aient élagué son texte, Hitler passe trop
souvent d'un sujet à un autre dans Mein Kampf . Rudolf Hess, qui prit la
plus grande partie de la dictée, d'abord à la prison de Landsberg et, plus tard, à Haus Wachenfeld, près de Berchtesgaden, fit de son mieux pour rendre le manuscrit
présentable; mais il n'était pas de taille à tenir tête au futur Führer. Le père Bernhard Stempfle y réussit davantage;
ancien membre de l'ordre des Hiéronymites, c'était un journaliste antisémite
auquel s'attachait une certaine notoriété en Bavière.
Ce prêtre étrange, que nous retrouverons plus loin, corrigea un
peu la piètre syntaxe d'Hitler, redressa ce qu'il put dans sa prose et fit
disparaître quelques passages en montrant à l'auteur qu'ils étaient inopportuns
d'un point de vue politique. Le troisième collaborateur fut Josef Czerny,
Tchèque d'origine, attaché au journal nazi le Völkischer
Beobachter et que ses poèmes antisémites
rendirent sympathique à Hitler. Il intervint efficacement dans la révision du
premier volume de Mein Kampf pour
le deuxième tirage (où certains mots ou phrases gênants furent éliminés ou
changés); de même, il lut attentivement les épreuves du second volume.
De nombreuses digressions subsistaient néanmoins. Hitler tenait
à exposer ses idées n'importe quand et à propos de presque tous les sujets
imaginables, qui comprenaient par exemple la culture, l'éducation, le théâtre,
le cinéma, la
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