Le Troisième Reich, T1

parti de rien pour devenir une des lumières du Parti nazi, entreprit
cette mission dans la grande métropole.

INTERLUDE ROMANESQUE
    Pour Adolf Hitler, les années d'épreuves politiques furent,
comme il le déclara plus tard, les meilleures années de sa vie personnelle.
N'ayant pas le droit jusqu'en 1927 de parler en public, bien décidé à terminer Mein
Kampf et esquissant dans sa tête son avenir et celui du Parti nazi, il
passait le plus clair de son temps dans l'Obersalzberg, au-dessus du petit
village de Berchtesgaden, dans les Alpes Bavaroises.
    Les monologues d'Hitler à son quartier général du front pendant
la guerre, lorsque à une heure avancée de la nuit il se détendait avec les
vieux camarades du parti et ces femmes fidèles qui lui servaient depuis tant
d'années de secrétaires et qu'il évoquait le passé, ces monologues abondent en propos
nostalgiques sur ce que signifiait pour lui cette retraite montagnarde où il
fit bâtir le seul foyer qu'il possédât jamais. « Oui, s'exclama-t-il dans un de
ces élans d'abandon, durant la nuit du 16 au 17 janvier 1942, il y a tant de
liens entre l'Obersalzberg et moi. Tant de choses sont nées là-bas... j'y ai
passé les plus belles heures de ma vie... c'est là que tous mes grands projets
ont été conçus et se sont épanouis. J'avais des heures de loisirs, en ce
temps-là, et combien de charmants amis! »
    Durant les trois premières années qui suivirent sa sortie de
prison, Hitler vécut dans diverses auberges de l'Obersalzberg et, en cet hiver
de 1942, il en évoqua le souvenir durant près d'une heure. Il finit par
s'installer à la Deutsche Haus , où il passa près de deux ans et où il
finit de dicter Mein Kampf . Ses amis du parti et lui, raconte-t-il, «
aimaient beaucoup aller au Dreimädelhaus , où il y avait toujours de
jolies filles. C'était, ajoute-t-il, un grand plaisir pour moi. Il y en avait
une, en particulier, qui était une vraie beauté ». Ce soir-là, dans le bunker
de son quartier général sur le front russe, Hitler fit part à ses auditeurs
d'une remarque qui rappelle deux préoccupations qui le hantaient durant les
plaisantes années de Berchtesgaden.
    A cette période (quand il était dans l'Obersalzberg) j'ai
connu beaucoup de femmes. Plusieurs d'entre elles s'attachèrent à moi. Pourquoi
alors ne me suis-je pas marié? Pour laisser une femme derrière moi? A la plus
minime imprudence, je courais le risque de retourner en prison pour six ans. Il
n'était donc pas question de mariage pour moi. Et je dus renoncer à certaines
occasions qui s'offraient (4).
    Les craintes qu'avait Hitler à cette époque d'être de nouveau
jeté en prison ou déporté n'étaient pas sans fondement. Il était toujours
libéré sur parole. S'il avait ouvertement enfreint l'interdiction de prendre la
parole en public, le gouvernement bavarois aurait fort bien pu le mettre de
nouveau à l'ombre ou lui faire regagner son Autriche natale. Une des raisons qui
lui avaient fait choisir comme refuge l'Obersalzberg était la proximité de la
frontière autrichienne; au moindre danger, il aurait pu franchir la frontière
et éviter de se faire arrêter par la police allemande.
    Mais rentrer en Autriche, volontairement ou par contrainte,
aurait ruiné ses projets. Pour diminuer les risques d'expulsion, Hitler renonça
formellement à sa qualité de citoyen autrichien le 7 avril 1925, décision que
le gouvernement autrichien accepta sans se faire prier. Mais il se retrouvait staatenlos ,
apatride. Il avait renoncé à sa citoyenneté autrichienne, mais il n'était pas
devenu pour autant citoyen allemand. C'était un handicap considérable pour
faire carrière politique dans le Reich. D'abord, il ne pouvait être élu député.
Il avait publiquement déclaré qu'il ne supplierait jamais le gouvernement
républicain de lui accorder une citoyenneté à laquelle il estimait avoir droit
en raison des services qu'il avait rendus à l'Allemagne impériale pendant la
guerre. Mais, durant toute la dernière moitié de ces années 1920, il s'efforça
secrètement de se faire déclarer sujet allemand par le gouvernement bavarois;
mais ses efforts n'aboutirent à rien. Quant aux femmes et au mariage, il y
aurait une part de vérité dans les propos que tenait Hitler en cette soirée de
1942.
    Contrairement à ce qu'on croit généralement, il aimait bien la
compagnie des femmes, surtout si elles étaient belles. Il revient souvent sur
ce sujet lors des